Socialisation du genre à l’école, ou l’importance de notre image sexuée

Connaissez-vous « l’effet Matilda ? » socialisation du genre 

Si je vous demande de citer le nom d’une personne célèbre ayant œuvré dans le domaine de la sismologie, de la fécondation in-vitro ou encore de la paléontologie, combien de noms de femmes vous vient spontanément à l’esprit ? Avez-vous  pensé à Ann McLaren, Inge Lehmann ou encore Mary Anning ?

Il existe donc bien un déni ou une minimisation systématique de la contribution des femmes à la recherche (en particulier scientifiques), dont les découvertes sont souvent attribuées à leurs collègues masculins. socialisation du genre

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Le constat empirique socialisation du genre

Cela dit, nul n’est à blâmer quand on constate que la plupart des manuels d’Histoire sont axés essentiellement sur la politique, les guerres, les changements de régime, autant d’événements dont les femmes ont été largement exclues, leurs luttes politiques ne faisant pas partie de la trame générale du récit. Autrement dit : les petites filles manquent de modèles, notre culture les poussant au renoncement et à la passivité. Ce constat peut sembler assez simpliste mais il a des conséquences au long court.

Force est de constater également que, malgré la grande progression des femmes à l’université, elles continuent à se diriger vers les domaines traditionnellement féminins (soins infirmiers, éducation, etc.) menant à des emplois moins rémunérateurs, alors que les hommes en sont quasi absents.

La revue américaine Science nous rappelle que dès 6 ans déjà, la majorité des filles se reconnaissent beaucoup moins que les garçons dans la catégorie des personnes « très intelligentes ». Ainsi, l’identité sexuée est présente dans le psychisme dès le plus jeune âge.

 

Comment se construit cette socialisation du genre ? socialisation du genre

Le processus social à travers lequel les individus construisent leur identité sexuée tout au long de leur vie possède de multiples origines :

  • Il débute dès la gestation de l’enfant, lorsque les futurs parents ont connaissance du sexe de leur bébé, et nourrissent des attentes et des projections déjà très différentes de leurs rôles et leur avenir. On leur prescrit des manières d’être, des comportements, et des activités bien différenciés.
  • L’environnement familial et social de l’enfant ensuite, par exemple au travers des jouets proposés, souvent typiquement masculins ou féminins. Ceux qu’on offre aux garçons nécessitent en général d’élaborer quelque chose (jeux de construction…), et développent des habiletés de représentation dans l’espace, de création, de gestion des 2 et 3 dimensions. Alors que pour les filles, il s’agit de jeux « prêts à jouer » (poupée, cuisinière…), qui vont plutôt développer la fonction « symbolique », car il s’agit de jeux de faire-semblant.

Les compétences développées par les jeux masculins sont généralement.plus mises à profit dans les matières scolaires comme la géométrie ou dans des métiers d’ingénierie : il n’est donc pas étonnant que les garçons soit « meilleurs » que les filles dans ces disciplines puisqu’ils y ont été entraînés depuis tout petit.

Les filles sont souvent plus à même de comprendre les émotions des autres ?

Et le biologique dans tout çà ? N’y a-t-il pas des.différences neurologiques innées, comme cela est le cas pour l’appareil reproducteur par exemple ? Certaines croyances nous disent que filles et garçons ont des cerveaux différents, que le taux de testostérone secrété en plus grande quantité obligerait les garçons à un plus grand besoin de bouger.

Mais les études en neurosciences nous ont bien démontrés le contraire : il n’y a pas un cerveau de fille et un cerveau de garçon, il n’existe pas dans le cerveau, à la naissance, des circuits qui seraient déjà câblés, qui feraient que naturellement, les filles seraient douées pour tel ou tel type de métiers, et les garçons pour tel autre type de métier.

Ainsi, les filles n’ont pas du tout de propension naturelle à l’empathie,.une prédisposition à s’orienter vers les métiers de la petite enfance par exemple.

D’ailleurs, les rôles des sexes dont il était question plus haut sont très variables d’une culture à une autre.

 

Et le rôle de l’école dans tout ça ? socialisation du genre

L’école est bien sur un acteur central.de l’apprentissage des identités de genre et des modèles de relations entre les sexes. socialisation du genre, ensuite

En effet l’école contribue, tant par les contenus véhiculés que par les pratiques éducatives,.à la transmission de représentations sociales qui hiérarchisent les valeurs, les activités, les idées et les modèles d’action associés au féminin et au masculin.

Quarante ans après que la mixité a été rendue obligatoire à tous les.niveaux de la scolarité, on constate que « les stratégies des élèves sont largement influencées par leur appartenance de genre ».

 

  • Ainsi, les garçons obtiendraient plus d’attention de la part du.personnel enseignant, ce qui participerait à la construction de leur confiance en soi et de leur aisance à parler en public, alors que les filles restent plus effacées.
  • Les filles et les garçons sont également sollicités.différemment pour les tâches à effectuer dans la classe. Par exemple, les filles sont plus souvent mises à contribution pour aider les élèves en difficulté, ce qui renforce le stéréotype voulant que les femmes veillent naturellement au bien-être des autres. socialisation du genre, ensuite
  • De même, il serait entendu que garçons et filles ont des besoins.différents par nature, les enseignants mobilisant alors filles.et garçons dans des objectifs différents,.appréciant différemment leurs comportements : l’indiscipline des garçons est tolérée, moins celle des filles.
  • Enfin, les enseignants ont en moyenne 56 % de leurs interactions avec les garçons et 44 % avec les filles, en sciences notamment. socialisation du genre, ensuite

Une étude illustre bien comment cette socialisation du genre se matérialise dans le cadre scolaire, de manière inconsciente et spontanée. socialisation du genre, ensuite

Il a été démontré que filles et.garçons ne se positionnent pas au hasard dans la cours de récréation. Ainsi, les filles estiment que certains endroits.de la cour leur sont interdits, autrement dit sont réservés aux garçons. C’est par exemple le cas de l’espace central de la cours,.faisant souvent office de terrain de football. Les filles ne s’autorisent pas.à le traverser, de peur de perturber le jeu,.alors même que cela ne pose aucun problème aux garçons,.même s’ils ne participent pas eux-mêmes au jeu en cours. socialisation du genre, ensuite

On voit bien ici l’étendu du problème, dans le sens où les filles elles-mêmes,.par les messages de vie qu’elles ont reçus dès leur plus jeune âge, s’autocensurent,.personne ne leur interdisant formellement telle ou telle partie de la cour.

On retrouve souvent ces mêmes jeunes femmes,.20 ans plus tard,.confrontées au fameux plafond de verre en entreprise,.s’interdisant l’accès à certains postes à responsabilités. Ainsi, si les femmes guident leurs choix de carrière en fonction.des compétences qu’elles estiment posséder, les hommes eux, construisent leur évolution professionnelle en fonction de leurs ambitions.

 

Quelles actions pour y remédier ? socialisation du genre

Face à ce constat, l’Etat a déjà mis en place un certain.nombre d’initiatives, visant principalement à apprendre aux professeurs à enseigner de manière égalitaire. On peut citer par exemple.les « ABCD  de l’égalité ».même s’ils ont rapidement été abandonnés en 2014. Dernièrement, la ministre de l’éducation nationale a inclus ce sujet dans la loi d’orientation sur l’école, en faisant un sujet prioritaire.

Pour autant, le chemin est encore long,.trop peu d’enseignants ont encore été sensibilisés au sujet, faute de temps, de moyens,  de motivation parfois… socialisation du genre, ensuite

Enfin, si tout le monde s’accorde en théorie.pour plus d’égalités.entre l’homme et la femme dans la société, n’existe-t-il pas néanmoins des résistances à ce changement chez les filles/femmes elles-mêmes, nécessitant le renoncement à certains « privilèges ».et l’acceptation d’un saut dans l’inconnu ? socialisation du genre, ensuite

 

Pour aller plus loin :

L’avis sur l’égalité entre les sexes en milieu scolaire, publié par le Conseil du statut de la femme  au Québec en 2016.

Le site Matilda, regroupant un grand nombre de ressources pédagogiques sur les thématiques de l’égalité entre les sexes, également plate-forme collaborative.

Alexandra Michalon pour l’association Oze

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