Congé de paternité : un droit important mais insuffisant ?

Un congé de 11 jours est accordé au père pour l’arrivée d’un enfant. Il permet d’être présent dans ces moments fondamentaux de la vie du foyer. Mais sa durée et ses modalités sont de moins en moins adaptées aux attentes des pères.

Un congé important

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La naissance, ou l’adoption, d’un enfant est un événement bouleversant : sans doute pour permettre aux pères de s’en remettre aussi, ils disposent de 3 jours de repos rémunérés. C’est le « congé naissance », un droit qui date de 1946.

En complément, le congé de paternité (« et d’accueil »), permet au père de disposer de 11 jours supplémentaires indemnisés. Ce congé doit être pris dans les 4 mois qui suivent la naissance. Dès qu’il est instauré en 2002, c’est un succès : les pères s’en emparent massivement, au-delà des attentes.

Ces 11 jours sont un droit important pour la vie familiale. Les 3 jours du congé naissance passent très vite. La mère et le nouveau-né sont souvent encore à la maternité, bien entourés. C’est un temps de grandes émotions. Mais c’est aussi pour le père un temps de derniers achats, de tâches quotidiennes à la maison, et d’allers-retour entre la chambre d’hôpital et le foyer.

Les jours suivants sont différemment cruciaux : c’est le retour à la maison, où commencent à se mettre en place les relations familiales à venir.

Des moments cruciaux

Pour un père qui envisage quelque peu de s’investir auprès de ses enfants, retourner travailler au bout des trois jours paraîtrait incongru, et frustrant.

L’implication de la mère s’est construite physiquement durant toute la grossesse. Celle du père ne semble pouvoir être que moins forte… Les jours entiers passés par la mère à la maternité auprès de l’enfant, et les conseils continus des sages-femmes, ont encore accentué cette différence avec le père. Très rapidement, c’est la mère qui sait, ou sait mieux, ce que peuvent vouloir dire tels pleurs, la normalité d’un éternuement, la date du prochain rendez-vous médical, les droits ouverts par la CAF, la façon de nettoyer les yeux (qui n’est pas celle pour le cordon ombilical), ce qu’il faut mettre dans le bagage.

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Que le père dispose, avec la mère et l’enfant, de plusieurs jours ensemble à la maison semble indispensable. Ce qu’il faut savoir pour s’occuper d’un enfant n’est pas inné. Disposer de ce temps, c’est respecter le souhait des pères qui souhaitent s’impliquer sincèrement. C’est aussi créer des conditions plus favorables à l’équilibre des tâches au sein du foyer. Toutes les enquêtes montrent que les mères continuent au quotidien de s’occuper beaucoup plus des enfants. La « charge mentale » qui va avec leur incombe massivement. Une part de cette situation naît peut-être dans ces premières semaines. Si le père travaille, des glissements, qui paraîtront d’abord raisonnables à chacun, se feront. Des habitudes se créeront, qui perdureront.

Onze jours, seulement

Le moment qui suit immédiatement la naissance est le plus approprié pour disposer de ce temps commun. Mais la prise du congés de paternité présente quelques complexités et insuffisances :

  • Ce n’est que 11 jours. C’est court, avec son enfant dans les bras.
  • Le père doit le demander à son employeur un mois à l’avance… alors que son début ne peut se faire qu’après la naissance, dont on ne sait jamais quand elle aura lieu!
  • Il s’agit de 11 jours consécutifs, week-end compris. Il faut donc s’arranger pour le faire débuter un lundi ou un mardi si l’on ne veut pas perdre plus d’un week-end dans le décompte.

Bref, on se tord un peu les méninges pour en bénéficier pleinement.

En couplant avec des congés classiques, j’ai pu disposer d’un bon mois complet de vacances pour la naissance de mon premier enfant. Pour faire ainsi, il faut un employeur souple (ou que la naissance soit prévue pour août…). On aimerait bien sûr prolonger toujours plus longtemps ces instants hors du temps. Mais onze jours à prendre dans des conditions complexes sont insuffisants : les souhaits de nombreux pères sont aujourd’hui en décalage avec ce droit. L’allonger nettement et le rendre obligatoire peut-être (pour éviter tout conflit avec l’employeur), permettraient au père d’être pleinement dispos au bon moment pour l’enfant et la mère, au bénéfice de la famille et de la société.

Erwan BK pour l’Association OZE