Nos enfants jouent moins qu’avant, c’est un fait. Déjà en 1997, la revue « Pediatrics » annonçait que depuis 1981, les 3/11 ans avaient perdu 12 heures de temps de jeu hebdomadaire. Alors même que le jeu libre est fondamental pour leur apprentissage et leur développement. A quoi est due cette évolution ? Pourrions nous repenser différemment leur temps extrascolaire et rééquilibrer le quota activités dirigées/activités libres ? Autrement dit, si nous (re) laissions jouer nos enfants ?
Plus d’enjeu, moins de jeu.
Pas question de tomber dans le « c’était mieux avant » ou de culpabiliser les parents et éducateurs plein de bonnes intentions. Mais en quelques décennies, il faut quand même reconnaitre que le jeu enfantin a perdu du terrain.
On propose en effet, très tôt, (trop tôt ?) de nombreuses activités extrascolaires encadrées à nos enfants. Pourquoi ? Parfois l’emploi du temps des parents n’est pas raccord avec celui de leurs enfants. Ils essaient alors d’occuper le temps périscolaire. Également pour les stimuler et leur donner des connaissances. Celles-ci pourraient leur être utiles plus tard dans un contexte d’incertitude économique. Enfin, pour les protéger aussi des divers dangers (réels ou fantasmés) d’un jeu non encadré. Serions-nous angoissés par la culture de l’hyper sécurité ambiante, médiatisant à l’extrême toutes les menaces potentielles pour nos enfants ? Et à la fois par le vide, la non structuration d’un temps informel sans utilité (apparente) que l’on juge non productif voire même source d’ennui pour nos bouts de choux ?
Oui sans doute. Car il est loin le temps où les enfants se rendaient seuls à l’école à partir de 6/7 ans en musardant sur le chemin, où ils jouaient dehors à 16h30 avant l’heure des (quelques) devoirs et du bain. Où ils faisait des balades dans la nature le week end. Ou simplement passaient des heures devant des legos, des poupées, des petites voitures. Mais aussi à malaxer (en en mettant partout) de la pâte à sel. Ou juste à s’inventer une histoire dont ils étaient le personnage principal.
Mais trêve de nostalgie de l’ère « Guerre des boutons » ! Posons nous plutôt la bonne question. Pourquoi le jeu libre sous toutes ses formes et dans tout type d’environnement est-il en fait si bénéfique pour les enfants ?
Jouer pour grandir
De nombreux pédagogues l’affirment, c’est en jouant librement que l’enfant va tester ses aptitudes et sa concentration. Par exemple en faisant une construction, en courant après un ballon. Ou encore en manipulant des objets ou en se cachant. Il va aussi prendre des risques, contrôlés le plus souvent : grimper, sauter, mettre les mains dans la boue, les pieds dans l’eau, ou les quatre à la fois dans la peinture. L’enfant pourra également gagner en autonomie. C’est lui qui autodirige et autocontrôle son activité sans règle imposée par l’adulte. Ce qui n’exclut pas qu’il puisse créer les siennes.
Enfin il pourra interagir avec autrui : négocier avec les copains, résoudre des problèmes. Et également s’approprier des expériences : rejouer des scènes vécues, inventer des jeux de rôle symboliques. Le psychologue Peter Grayn résume cela très simplement. En jouant, l’enfant apprend à développer sa confiance en soi et à contrôler sa vie, bref à grandir.
Et c’est cet espace de liberté, non géré par l’adulte, qui a été radicalement réduit depuis quelques générations. Pour les raisons évoquées plus haut mais aussi, parce que la pensée dominante de nos sociétés dites modernes est que l’enfant apprend seulement une connaissance via l’adulte. On sait pourtant que ce n’est pas toujours le cas. L’enfant apprend beaucoup par lui-même. Bien entendu l’adulte a évidemment un rôle majeur dans son développement. Il doit lui procurer ce que Maria Montessori appelait un « environnement préparé ».
Les (non) règles du jeu
Un environnement est préparé au sens de la mise à disposition d’en environnement propice au jeu. Car bien sûr, si on ne propose jamais à l’enfant d’aller au square, au parc ou dans son jardin, il y a peu de chances qu’il se mettre à courir, sauter ou grimper, encore moins taper dans un ballon. De même, si le temps de jeu libre se déroule à la maison, il doit avoir à sa disposition des choses simples, en dehors de ses jouets. Par exemple : papier à découper, pâte à modeler, petites pâtes à transvaser, vieux draps et foulards pour se déguiser… Autant d’objets qui pourront être des points de départ à un jeu libre. Et nous devrons accepter que certains puissent être un peu salissants ou un peu bruyants…
A partir de là, on peut laisser l’enfant tranquille en ne s’imposant pas dans son jeu, sauf s’il nous y invite. Et encore dans ce cas, on lui laissera la direction des opérations pour laisser le champ libre à sa créativité et son autonomie.
Souvent, en tant que parent ou enseignant, on pêche dans ce sens. On veut être actif, stimulant dans l’activité de l’enfant, pour se sentir légitime d’une certaine façon dans notre rôle d’éducateur. Et pourtant, durant un temps de jeu libre, la seule observation, l’intervention mesurée, le simple regard ou sourire bienveillant vont être tout aussi important pour l’enfant et nous en apprendre d’ailleurs aussi beaucoup sur lui.
Peut-être que cette liberté dans le jeu ne sera pas si évidente au départ pour lui tant il a l’habitude d’être encadré. (À l’école, dans les activités annexes, à la maison finalement aussi, où souvent le seul jeu domestique est un écran qui impose ses règles et de surcroit l’immobilité). Il pourra avoir l’impression de s’ennuyer sans proposition particulière de l’adulte. Mais, peut-être aussi qu’au bout d’un moment, il va vraiment y prendre du plaisir. Surtout si de temps à autres, il est aussi en compagnie de copains (il est intéressant sur ce plan de tisser des réseaux de voisinage).
Alors si on essayait ? On disait qu’il y a l’école, l’atelier d’arts plastiques, le cours de judo, les devoirs et les dessins animés, et aussi, on disait que tous les jours on peut jouer comme on veut dehors ou dedans, seul ou à plusieurs… et alors, on disait …
N’hésitez pas à consulter l’article du mois dernier sur les jeux. Il est accessible grâce au lien suivant : https://educationpositive-oze.fr/2019/10/30/jeux-pour-mieux-…re-cest-possible/
Emmanuelle Requena pour l’association OZE
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