Annoncer la mort d’un proche à son enfant

En occident, la mort est un sujet sensible et tabou. Il faut dire qu’elle renvoie à nos peurs les plus profondes et qu’elle est depuis toujours une source d’interrogations existentielles : y-a-t-il une vie après la mort ? où allons-nous ? retrouve-t-on nos proches décédés ?

S’il est difficile pour un adulte d’affronter l’existence de la mort, qu’en est-il pour un enfant ? Comment lui expliquer cette notion si abstraite ? Comment l’aider à surmonter la douleur de la perte d’un être aimé ? Et comment agir si l’enfant se retrouve perturbé émotionnellement?

 

« Maman, Papa : c’est quoi la mort ? »

Pour un enfant, la conception de la mort évolue en fonction de son âge. Au départ, elle est très abstraite et s’apparente à la séparation physique, l’absence. Le bébé va ressentir un manque lorsqu’il sera séparé de sa mère.

Par la suite, autour de 4 ans, va se développer la notion de « perte » comme celle d’un jouet oublié à l’école par exemple. La notion de mort se dessine petit à petit. A cet âge, la mort peut également être source de jeu :

  • «  Et si on jouait aux cow-boy et aux indiens ? »
  • « Pan, pan….t’es mort ! »
  • « Je me relève, je suis plus mort ! »

La mort est ainsi encore réversible à cet âge.

Ce n’est que plus tard, autour de 9 ans que l’enfant va comprendre l’idée de mort irréversible. L’enfant réalisera alors que ses parents ne sont pas immortels et qu’ils n’ont pas non plus de « super pouvoirs ».

De nombreuses questions peuvent surgir dans leurs têtes : c’est quoi la mort ? Est-ce que tu vas mourir ? Est-ce que je vais mourir moi aussi ?

Toutes ces questions peuvent faire naître de grosses angoisses chez l’enfant. Il peut avoir des difficultés à s’endormir, à se séparer de ses parents… L’important est de bien communiquer avec son enfant et de lui expliquer ce qu’est la mort sans chercher à lui cacher la vérité.

Quelques pièges à éviter face à la mort

Lorsqu’ils doivent évoquer le sujet avec leur enfant, beaucoup de parents métaphorisent la mort. Ils disent par exemple : «Ton grand-père est parti» ou « il est monté au ciel » plutôt que de dire tout simplement « il est mort ».

En faisant cela, on imagine que les parents tentent de protéger leur enfant afin de lui éviter d’avoir du chagrin ou encore que l’enfant est trop jeune pour être confronté à la dure réalité de la vie. Dans tous les cas, éviter le sujet ou tenter de le dissimuler derrière des métaphores ne fera que rendre les choses plus compliquées.

Ce serait semer la confusion chez l’enfant que de lui dire que l’un de ses proches à qui il tenait tant, est « parti pour un long voyage » par exemple. Car il y a la notion de réversibilité dans cette histoire. L’enfant pourrait alors s’imaginer revoir ce proche un jour. Il pourrait également être en proie à de terribles angoisses nocturnes pensant qu’il pourrait lui aussi « partir dans son sommeil ».

Ainsi, les professionnels s’accordent à dire que pour favoriser le développement serein de l’enfant, il est recommandé de dire la vérité lorsqu’il s’agit d’annoncer la mort de quelqu’un. En fonction de l’âge de l’enfant, il est important d’expliquer ce qui est vraiment arrivé avec des mots simples sans s’attarder sur les détails. Nous reviendrons sur quelques conseils plus loin dans notre lecture.

 

Le deuil chez l’enfant

Tout comme chez un adulte, la période de deuil est aussi importante chez un enfant. Elle ne doit pas être minimisée. Et comme aucun être humain ne se ressemble, chaque deuil sera différent.

mortOn estime que le deuil chez un enfant peut aller de plusieurs mois à plusieurs années. Il est très important de ne jamais brusquer un enfant durant cette période. La durée de celle-ci pourra changer en fonction de plusieurs paramètres comme les liens affectifs, la cause du décès (mort naturelle, accident, maladie)… Mais dans la majorité des cas, ce « travail de deuil » ne devra pas excéder 2 ans. Au delà, l’enfant s’expose à des risques de troubles plus profonds. L’avis d’un professionnel sera alors nécessaire.

D’un point de vue psychologique, l’enfant passera par différentes étapes : la colère, le refus, la tristesse et l’acceptation. Ces étapes sont nécessaires au processus de deuil.

Certains événements peuvent également raviver la douleur. Il est important d’être à l’écoute dans ces moments là et de privilégier le dialogue. Mais comment faire concrètement pour accompagner son enfant dans cette étape douloureuse ?

Accompagner le deuil

La première chose à faire pour que l’enfant puisse faire son deuil est de commencer par être sincère avec lui en l’informant de la mort et de ses circonstances en utilisant des mots simples. Ex : « ta grand-mère est morte de vieillesse. Elle était âgée. »

L’étape suivante est de savoir si l’enfant assistera aux obsèques. De mon point de vue, l’enfant ne doit pas être exclu de la cérémonie. Bien que les parents pensent souvent l’inverse, il est même bénéfique à l’enfant d’y assister pour lui assurer un bien être psychologique. On peut bien sûr le faire participer à certaines étapes et pas à d’autres.

C’est un moment pour concrétiser ce qui était seulement des mots. Cela devient plus clair, même si c’est difficile. La cérémonie symbolise le passage, permet le recueillement, est l’occasion d’exprimer le tristesse. C’est aussi un moment de solidarité, de partage. Si c’est le cas, il est important d’informer l’enfant de chaque étape et de lui expliquer la signification des gestes rituels comme la mise en bière par exemple.

Dialoguer avec son enfant et l’aider à s’exprimer est primordial. Posez lui des questions mais n’attendez pas forcément de réponses. Ou demandez lui s’il a des questions à vous poser. Evitez toutes les métaphores, comme vu précédemment.

Laissez lui exprimer toutes ses émotions : la colère, le chagrin… Et en aucun cas il devra être tenu pour responsable du décès ni coupable de quoi que ce soit. S’il a plus de difficultés à converser, l’enfant pourra s’exprimer à travers une activité artistique comme le dessin, la musique…

Proposez lui de participer à sa façon. Un simple dessin s’il est jeune. Une fleur ou un geste pendant la cérémonie. Un petit mot dans une enveloppe ou éventuellement la lecture d’un texte pour les plus grands. Il y a de nombreuses façons de prendre part à ce moment, sans l’imposer.

Si vous êtes vous-même submergé par l’émotion, n’hésitez pas à déléguer l’accompagnement de l’enfant à une tierce personne. Dans ces moments là, il ne faut pas négliger vos besoins et vous accorder aussi du temps à vous.

Il est également important de penser que malgré la tristesse de l’événement, la vie continue. Ainsi, pour le bon développement de son enfant et de la famille en général, nous devons continuer à jouer, à faire des activités en extérieur, simplement pour changer d’air.

Enfin, les gestes d’amour et de tendresse sont la base pour réconforter son enfant et pour qu’il puisse se rétablir sans trop de dommages. A l’occasion, on peut également se remémorer les bons moments passés avec la personne disparue. Sans en abuser, on utilisera des photos, des vidéos. Ou tout simplement dire à son enfant que l’on n’oublie pas la personne disparue.

 

En cas de troubles du comportement

Tout deuil vécu pendant l’enfance peut faire apparaître des troubles si la souffrance n’est pas apaisée et que le deuil n’est pas autorisé. Voici quelques exemples de signaux d’alertes qu’il convient de surveiller :

  • une profonde tristesse qui s’installe dans la durée pouvant amener à la dépression. D’après des études, 40% des enfants ayant perdu un parent développent une dépression majeure.
  • une perte d’appétit ou une perte de l’envie de jouer, de s’amuser. L’enfant n’a plus le goût de rien. Il a perdu toute joie de vivre.
  • s’en suit bien souvent une envie de mourir. Il fait le vœu de rejoindre l’être disparu.
  • des insomnies accompagnées de fortes angoisses. Rappelons que pour un enfant, la peur d’aller se coucher renvoie à la peur de mourir, elle-même associée à celle de ne pas se réveiller.

C’est pourquoi il est très important d’entretenir le dialogue avec son enfant et de ne pas réprimer ses émotions. Si un enfant se trouve affecté par la disparition d’un être cher, il est tout à fait normal de le laisser pleurer s’il en éprouve le besoin. Des phrases toutes faites comme «t’as pas bientôt fini de pleurer !» ou « c’est rien, ça va passer » sont à bannir de la bouche des adultes.

A l’inverse, vous pouvez parler de votre tristesse. Reconnaître vos propres émotions devant votre enfant l’aidera à identifier les siennes. La tristesse, la colère, l’abattement font partie de ce moment. Les exprimer, en douceur de préférence, aide à les surmonter.

Malheureusement, pour certaines convenances sociales, on nous apprend depuis le plus jeune âge qu’il faut être « fort » et apprendre à refouler ses émotions. De nombreuses personnes ont fait évoluer leur attitude dans ces circonstances. Je vous encourage à aller dans ce sens. C’est d’abord au parent de permettre un sas de « décompression », au moins au sein du foyer, loin de tout regard extérieur et de laisser l’enfant libre de s’exprimer.

En permettant cela, il aura toutes les cartes en main pour se rétablir plus facilement de ses futurs deuils et deviendra sans aucun doute un adulte épanoui et responsable.

 

Si le deuil se prolonge au delà de 2 ans et que des troubles sont apparus, la conduite à tenir est de commencer par consulter un spécialiste (pédiatre, psychologue, psychiatre…) et de toujours s’assurer d’être présent pour son enfant afin de l’aider au mieux à se relever des obstacles de la vie. Car oui, la vie continue !

Emilie MIDROUET pour l’Association Oze

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