Des ceintures de compétences comme au judo, pourquoi ?
Comment juger le travail d’un élève tout en le faisant persévérer ? C’est la question que se posent beaucoup d’acteurs éducatifs aujourd’hui, dans un monde où les divertissements incitent les enfants à se concentrer de moins en moins longtemps et où la place du professeur est sans cesse remise en cause. Heureusement, des dispositifs et des solutions existent face à la crise d’autorité que connaissent certains éducateurs. La démarche est originale, fallait-il encore y penser : elle consiste à utiliser des ceintures comme au judo. Mais attention pas n’importe lesquelles ! Il s’agit de ceintures de compétence. Emprunter au monde des arts martiaux et notamment au judo, la méthode vise à évaluer nos élèves tout en leur donnant un but, un objectif à atteindre. Comment fonctionnent ces ceintures de compétences et quels en sont les limites et les avantages ?
Une évaluation formatrice
La technique consiste à faire progresser les élèves dans les différentes disciplines selon des étapes de couleur comme au judo. Au total, il existe 8 étapes : blanche, jaune, orange, rouge, vert, bleue, marron, noire. L’étape blanche repose sur un contrôle simple qui permet d’aider les élèves à se prendre au jeu. Et l’étape noire permet aux élèves de mettre un point final à leurs quêtes de la perfection de l’acquisition des différents savoirs. Entre ces deux étapes, un cheminement évolutif dans lequel l’élève peut se situer facilement à travers des marques de couleur. Du côté du professeur, rien ne change ou presque. Il fait sa classe comme d’habitude sans se soucier des différences de couleurs entre ces élèves. En revanche, il consacrera 30 minutes aux exercices pendant lesquels la difficulté des exercices correspond au « niveau-couleurs » des élèves. Comme au judo, les élèves vont être confrontés à de grandes évaluations qui leur permettront de changer de grade de couleurs. Toujours dans la perspective de construire progressivement avec l’élève son parcours éducatif et lui permettre d’avancer avec confiance, il lui sera proposé lors de ces grandes évaluations de se juger lui-même et de considérer s’il est prêt à changer de grade de couleurs. Ainsi, une semaine à l’avance, les élèves s’inscrivent en déclarant « je suis prêt pour la ceinture orange de lecture », par exemple. Les élèves ont le droit de s’inscrire pour plusieurs couleurs sur une même matière, ou même de ne s’inscrire nulle part. Le professeur, quant à lui, distribue des évaluations plus ou moins difficiles à ses élèves en fonctions du niveau choisi par chaque enfant. Si l’enfant obtient le niveau, il aura droit à un ruban de la couleur de son niveau. Sinon, il devra repasser l’évaluation.
Limites et avantages des ceintures de compétences
Si l’idée est bien trouvée, elle comporte toutefois des inconvénients parmi lesquels d’abord le coût du dispositif qui est gourmand en photocopie. De plus, il constitue une charge de travail plus importante pour l’enseignant qui doit penser à des exercices différenciés pour chaque niveau de couleur et adapter sa correction en fonction du niveau de l’élève. En ce qui concerne le dispositif en lui-même, 5 points sont à noter :
- le temps passé en évaluation est un temps perdu pour l’acquisition de nouveaux savoirs par l’élève,
- un esprit de compétition peut s’installer entre les élèves même si le dispositif favorise plutôt un esprit d’émulation,
- faire porter la responsabilité de sa propre évaluation à l’élève peut être source de stress pour certains,
- à l’inverse le stress, qui peut s’avérer positif dans certaines situations, peut vite totalement disparaître avec ce genre de dispositif,
- enfin la répétition des exercices pédagogiques pour changer de grade de couleurs peut vite tourner au dressage si l’élève n’obtient pas rapidement un niveau de couleur supérieur.
Ces quelques inconvénients ne doivent pas cacher l’originalité de la méthode des ceintures de compétences. C’est avant tout le rapport au savoir de l’élève qui est transformé. Celui-ci prend conscience qu’il vient à l’école pour lui, pour apprendre et pour s’améliorer. Il se rend compte que le savoir est un cheminement. De plus, les parents peuvent mieux se représenter le parcours et le niveau de leurs enfants. Ils sont ainsi mieux informés. Mais ce n’est pas tout, les élèves se sentent motivés par une telle évaluation. Ils ont le sentiment d’être acteurs de leurs propres réussites scolaires. Dernier avantage et pas des moindres, le dispositif des ceintures de compétences permet de motiver l’enseignant et de construire un autre rapport avec ses élèves car la visibilité des progrès permet de lutter contre le fatalisme de certains enseignants.
Au final, la méthode des ceintures de compétences est globalement positive. Pour ceux qui souhaitent mettre en place ce dispositif, il est conseillé toutefois de commencer à instaurer les ceintures de compétences dans certaines matières clés comme le français et les mathématiques (voir notre article sur l’apprentissage des mathématiques en s’amusant). Cela leur permettra de vérifier l’efficacité du dispositif par eux-mêmes.
Myriam Bendjilali
pour l’association OZE
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