Julien, 12 ans, vient de rejoindre son frère à l’école démocratique d’Anjou. Quand on lui demande pourquoi il a fait ce choix, il répond : « C’est trop bien… toute cette liberté ». Créée à la rentrée 2017, cette école se construit pas à pas sur un principe déroutant : laisser les enfants libres de faire ce qu’ils veulent dans le respect des règles collectives. Myriam et Nathalie sont les fondatrices. Elles font partie de ce qu’on appelle le staff, c’est à dire les adultes qui partagent leur journée avec celle des enfants. Ce ne sont ni des professeurs ni des encadrantes. Car les écoles démocratiques reposent sur l’idée que l’enfant est l’égal de l’adulte.
L’école démocratique, une école pas comme les autres
Ces écoles sont inspirées de la Sudbury Valley School fondée aux Etats-Unis en 1968. Une quarantaine d’écoles similaires existent aujourd’hui dans le monde, et plus récemment en France où la première école démocratique a été créée à Paris en 2015. Malgré cette apparition tardive, les écoles démocratiques se développent rapidement dans l’hexagone. Il en existe une trentaine aujourd’hui et une trentaine seraient en projet.
Avant de lancer celle de Paris, Ramin FARHANGI a visité plusieurs écoles démocratiques. Il a été enthousiasmé par sa rencontre avec « des enfants brillants d’intelligence et de maturité ». Il évoque quelques cas d’enfants issus de l’école de Sudbury. Il y a Dan qui, à 10 ans, se passionne pour la pêche au point d’y passer toutes ses journées pendant des années. A l’âge de 16 ans, toute son attention se porte sur l’informatique. Puis, à 17 ans, il lance avec des copains une boutique de vente en ligne qui connaît du succès. Avec l’argent gagné, Dan s’inscrit à l’université tout en étant embauché comme expert par une grande entreprise d’informatique.
Une démarche semée de doutes
Si cet exemple est inspirant, il n’en demeure pas moins que c’est un choix déstabilisant pour les parents qui osent l’aventure. Il faut accepter que leur enfant ne fasse pas de français, de mathématiques ou d’histoire-géo. A moins qu’il en ait l’envie. Et rien ne leur certifie qu’il passe le brevet ou le baccalauréat. Difficile dans un pays comme la France où la culture du diplôme est forte. Où les enfants suivent les consignes des professeurs et doivent intégrer beaucoup de connaissances. Pour finalement être hiérarchisés selon leurs notes. Pour ces parents qui tentent l’expérience, il leur faut aussi vivre avec le regard des autres. Et surtout celui des proches qui ne comprennent pas leur choix.
Mais ces parents sont réconfortés quand ils constatent que leur enfant se sent bien dans sa nouvelle école. L’ennui et le mal-être dans la scolarité classique sont deux problèmes qui peuvent amener les parents vers cette alternative. Les enfants eux, apprécient cette école où il n’y a pas de devoirs à faire quand ils rentrent à la maison, où ils peuvent « se défouler ». Mais aussi pour cette « égalité avec les adultes » confie Nathan, 13 ans.
Une dynamique qui bouscule
Outre le regard des autres, le choix d’une école démocratique bouscule également la vie à la maison. Yann, père de deux enfants qui vont à l’école d’Anjou, explique que cela introduit une dynamique démocratique dans le fonctionnement de la famille. Par exemple, lorsqu’un problème émerge, la famille crée un cercle d’entraide. Ce dans le but de se mettre d’accord sur une solution. C’est un apprentissage pour les parents qui sont amenés à dépasser leur tendance habituelle à cadrer les enfants. En témoigne un parent de Paris qui résume ainsi : « Cela amène les parents à se remettre en cause, à être authentiques ».
Si les enfants n’ont plus besoin de faire l’école buissonnière, l’école démocratique n’est pas pour autant un long fleuve tranquille. Par exemple, une maman de Paris constate que sans directive des adultes, les enfants sont confrontés à eux-mêmes. Avec cette question : Que faire de ma journée ? Elle analyse : « Chacun doit trouver des ressources intérieures pour faire face à cette situation. Ce n’est pas une école du bonheur mais une école où l’on apprend à vivre ».
Si l’enfant est l’égal de l’adulte, cela signifie qu’il fait l’expérience de sa propre responsabilité. A l’école démocratique d’Anjou, le staff a récemment exprimé aux enfants le poids qui leur pesait dans leur gestion des activités. Les adultes ont souligné la nécessaire autonomie de chacun et le partage des responsabilités. Ainsi, adultes et jeunes ont discuté des règles communes et tous les ont mises en place pour un fonctionnement plus équilibré de l’école.
Nouvelle alternative à la scolarité classique, l’école démocratique représente aujourd’hui une expérience qui remet profondément en question notre vision de l’éducation. Pour Ramin FARHANGI, l’avenir de l’éducation est « de diversifier les approches pour épanouir le potentiel d’une large diversité d’individus ».
Charly DUBOS pour l’association Oze
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