Ecole & Société – Les paradoxes de la démocratie

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Pourquoi les réformes des politiques portant sur l’éducation demeurent peu efficaces, sinon sans effet ? Quel impact la démocratisation a-t-elle sur l’appareil scolaire ? L’égalité des chances est-elle une réalité ?

Autant de problématiques qui agitent nos sociétés et que traite « Ecole et société – Les paradoxes de la démocratie ». Cet ouvrage est un recueil d’articles multidisciplinaires – explications philosophiques, sociologiques ou historiques s’y côtoient – qui offre une bonne base de réflexion à qui souhaite comprendre les nombreuses influences qui travaillent l’école et les raisons de la stagnation d’un système scolaire qui est pourtant l’objet de nombreuses discussions.

Une institution « traversée de contradictions »

          Il n’y a pas de démocratie idéale. Mohamed Cherkaoui montre qu’il y a au contraire une multitude de visions politiques attachées à la notion de démocratie. Il en rapporte quatre types principaux (celles de Bentham, J.S Mill, Schumpeter et Rawl). A ces diverses conceptions sont rattachées divers types d’écoles qui correspondent à la vision politique de leur auteur. Par conséquent, l’école idéale n’existe pas non plus ; elle est une institution « traversée de contradictions », quoique nous ayons tendance à penser la démocratie comme étant un simple idéal d’égalité et de liberté, deux principes qui formeraient son socle immuable.
Politiciens et enseignants ont bien sûr leurs visions propres de ce à quoi devrait tendre l’institution scolaire. Elèves et parents également, et si les constats sont souvent partagés entre ces différents partis, les causes que chacun pointe ne se recoupent pas toujours.

Ceci peut être expliqué par le fait que personne ne sait exactement le rôle que joue cette institution, pas même ceux qui s’en croient les acteurs. Philippe Nemo rapporte ainsi le cas de Maurice Maschino qui démissionna de l’Education Nationale après s’être rendu compte qu’il avait surtout une fonction de « gardien». L’école est donc également le résultat de volontés politiques : celle, notamment, de diminuer les chiffres du chômage grâce à l’arrivée de plus en plus tardive des jeunes sur le marché de l’emploi. Et l’auteur de rappeler que la durée de la scolarité est passée de neuf ans après la guerre à dix-huit ans de nos jours. Par ailleurs, la massification du professorat, que ce système engendre, est encore accompagnée d’une dégradation du niveau des enseignants. Il est peu étonnant dès lors de constater que le niveau des élèves baisse de la même manière.

Ce système arrange pourtant beaucoup de monde, dont les parents qui, indisponibles toute la journée, confient leurs enfants à l’école en attendant de celle-ci non seulement qu’elle instruise, mais encore qu’elle les remplace dans leur fonction d’éducateurs. Seulement, l’exigence de démocratiser l’école rendrait cela impossible. Guy Coq explique en effet que l’école, en tant qu’institution, est ce qui « précède toujours l’individu ». Il y aurait donc une « contradiction […] entre démocratie et l’idée même d’éducation », puisque tandis que la démocratisation impose l’exigence d’égalité entre tous (sans distinction d’âge, de position sociale, etc.), l’éducation est le constat qu’un individu (ici le professeur) a prééminence sur un autre (ici l’élève) par ses connaissances ; or cette relation hiérarchique est contraire à l’esprit de la démocratie telle qu’on la conçoit habituellement.

Au rapport ambigu qu’on entretient avec l’école s’ajoute un rapport consumériste envers elle. Monique Hirschhorn compare ainsi parents et élèves à des consommateurs dans la mesure où il y a de leur part une attente qu’on peut comparer à celle de l’usager face au service proposé. Les attentes de ces « consommateurs d’école » sont pourtant contradictoires. Pire, dans cette logique de marché où chacun souhaite obtenir « les avantages de l’élitisme et la facilité de l’accès », on ne peut espérer de réel changement de la part des politiques éducatives. Une explication peut-être de la faillite des réformes engagées jusqu’à maintenant.

Evolutions des inégalités

          La seconde partie de l’ouvrage est consacrée à l’analyse de l’évolution des inégalités. Les différents articles se rejoignent notamment sur le fait que les inégalités sociales connaissent une « érosion continue et très lente », pendant que les inégalités scolaires semblent se réduire quelque peu. A ce propos, Louis-André Vallet note que cette réduction est en partie illusoire, puisqu’elle est due à une massification du système scolaire entraînant l’augmentation du « niveau général d’éducation ». Cette massification est habituellement confondue avec une démocratisation du système.

Pour Raymond Boudon, l’une des raisons qui explique la pérennité des inégalités scolaires est « psychosociologique » : il s’agit pour les familles d’évaluer les « coûts et risques » de l’investissement scolaire, à mesure que l’enfant avance dans le cursus scolaire. Cette évaluation est différente selon l’origine sociale des familles et les résultats scolaires de l’enfant. Ainsi un enfant issu d’un milieu modeste sera plus enclin à écourter ses études, encore que ce choix dépende aussi de ses résultats. Pour un enfant issu d’un milieu favorisé, il semblera souvent, malgré ses résultats, plus judicieux de poursuivre ses études, car entrera en ligne de compte le niveau général de sa famille, par rapport à laquelle il pourrait paraître plus faible et moins bien placé socialement. Boudon rejoint sur ce point l’analyse de Michel Forsé qui ajoute en outre que ceux qui ne veulent pas descendre dans l’échelle sociale se trouvent obligés de faire des études supérieures à celles de leur pères. « Un diplôme analogue conduit bien plus souvent à une stagnation et un diplôme inférieur à un déclassement », explique-t-il. Et de noter qu’entre 1982 et 1997, « l’âge de fin d’étude augmente d’un peu plus de deux ans en moyenne ». Or cette décision de masse à l’effet « pervers » d’entraîner une diminution du « rendement social du diplôme ».

Cette situation peut paraître paradoxale dans une époque que l’on croit régit par le règne de la méritocratie. Mais Richard Breen et John H. Goldthorpe montrent entre autre que les enfants d’origine sociale défavorisée doivent faire plus d’effort pour atteindre le même poste que des enfants de milieux favorisés. Cette étude, qui concerne le cas britannique, conclut sur le peu de crédit de cette thèse, qui ne prend jamais en compte les différences en termes de « perspectives d’emploi » et de « chances de mobilités » qui varient à travers le temps, et qui ne serviraient en dernier lieu qu’aux politiques qui trouvent ainsi le moyen de « protéger, ou tout au moins de ne pas remettre en cause, » les inégalités sociales que cette notion leur sert à justifier.

YR, pour l’association Oze-coaching

www.oze-coaching.fr

www.art-de-vivre-en-famille.fr

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