Tout parent est fier de ses enfants. Heureusement !
Y en a-t-il qui sont un peu plus fiers que d’autres ?
Tendresse contre autonomie ?!
Conversation de pique-nique. Nous en arrivons aux enfants, en général. L’un parle des difficultés d’insertion professionnelle, l’autre des addictions, un autre encore de leur tristesse ou de leur manque d’énergie. Se glisse l’évidence que ceux qui réussissent leurs études sont sur une bonne voie. J’interpelle. Etes-vous si sûr que ceux-là sont plus heureux ? Tout le monde convient qu’il n’y a pas de lien entre réussite étudiante et bonheur. Chacun connaît un jeune professionnel qui décide de tout reprendre à zéro pour un métier différent. Quelle est notre responsabilité de parent dans leur parcours ? Pour la première fois, je raconte le parcours de mes deux enfants dans cette perspective. Ils quittent le nid familial cet été. Et je suis très fière de leur maturité, de leur autonomie, de leurs choix.
Elever un enfant consiste entre autres à lui donner les outils pour être lui-même et être autonome. Bien sûr, cela ne se fait pas en un jour. Bien sûr, il serait bizarre, décalé voire presque dangereux d’être obsédé tous les jours par l’autonomie d’un enfant de 6 mois ou de 2 ans ! A cet âge, il est question de maternage, de tendresse, de protection. Et pourtant.
Émotions et estime de soi
L’éducation bienveillante, les neurosciences, la psychologie positive… nous apprennent qu’un jeune enfant a d’énormes besoins de relations et de tendresse. Que des pleurs disent le plus souvent : maman, papa, rassure-moi, console-moi. Que poser une étiquette, positive ou négative, sur un jeune enfant abîme sa personnalité ; parce qu’il n’a pas encore les moyens de l’affirmer, qu’il va endosser les jugements qu’il entend sur lui et qu’il va finir par s’y conformer. Que la découverte de ses émotions va donner à l’enfant une force sur lui-même constructive et immensément positive. Que l’estime de soi, ça se construit notamment en participant à la vie quotidienne en famille. Et pourtant.
Mes besoins de parent / ses besoins d’enfant
Je suis de plus en plus convaincue qu’à tout ça, il manque une dimension ou plus exactement un équilibre. Focaliser toute son énergie sur son enfant peut être épuisant, au sens fort du mot. Je rencontre des mères (surtout des mères) vidées par l’énergie qu’elles mettent à faire « comme on leur a dit de faire » pour le bonheur de leur enfant. Je rencontre des pères (surtout des pères) qui « portent à bout de bras » leur enfant « parce qu’il ne sait pas faire ».
J’ai eu la chance de trouver, presque instinctivement, cet équilibre. Mes propres liens d’attachement avec mes parents étaient trop abîmés pour que je puisse créer une relation de qualité avec mes enfants. Cela m’a demandé de travailler sur moi, de trouver des ressources de résilience. Je travaille encore sur moi. Et j’expérimente encore tous les jours à quel point ce travail vers plus de cohérence et vers un respect de mes propres besoins nourrit ma relation avec mes enfants.
Je suis convaincue que chaque parent, sans imaginer atteindre la perfection (!), se doit à lui-même et à ses enfants d’être attentif à ses propres besoins, de travailler à reconnaître ses émotions.
En perspective : des relations d’adulte à adulte
C’est parce que j’ai trouvé mes ressources, appuyée par mon conjoint, que je peux commencer à dire que je suis fière de mes enfants. L’aîné vient d’être diplômé en ébénisterie et part à l’étranger. Il a choisi un métier manuel pour trouver son équilibre et canaliser son énergie intellectuelle. Son chemin est probablement encore long. Il s’appuie sur ses convictions, sa capacité à comprendre l’autre et à échanger, son goût pour construire son chemin qui ne ressemblera à aucun autre. La deuxième part aussi à l’étranger, pour trois ans d’études supérieures de danse contemporaine. Elle est en train d’épanouir des qualités de leadership et de maturité qui ne passent pas inaperçues. Il m’arrivera encore de trembler par rapport à leurs parcours très certainement atypiques. Et je sais que nous avons déjà des relations d’adulte à adulte enrichissantes. Merci pour ce qu’ils m’ont appris.
Publié initialement sur www.femininbio.com
Nathalie de Boisgrollier
Association Oze
Nathalie de Boisgrollier. Auteur, formatrice, coach. Spécialiste de parentalité. A créé l’association Oze en 2011. A publié « Elever ses enfants sans élever la voix » et « Heureux à l’école, tout commence à la maison » chez Albin Michel et « La vie cachée des émotions » deux cahiers d’activités pour les enfants chez Hatier.
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