Ils ont entre 20 et 70 ans et tous sont d’anciens mauvais élèves. Aujourd’hui ils sont adultes mais toujours fortement marqués par leur passé scolaire. Comment l’ont-ils vécu ? Comment expliquent-ils leurs difficultés avec le recul de l’âge ? Quelle école auraient-ils souhaitée ? Deux réalisateurs interrogent d’anciens mauvais élèves dans un documentaire sans tabou sur le système scolaire. Rencontre avec Sophie Mitrani et Nicolas Ubelmann.
Pourquoi vous êtes-vous intéressés aux mauvais élèves ?
« Nous n’étions pas de mauvais élèves mais nous avons souffert d’un manque de motivation et d’un environnement souvent stressant, surtout au collège et au lycée. Nous sommes parents de deux enfants en bas âge. Ces souvenirs sont remontés avec encore plus de force quand il a fallu les mettre à l’école. Nous avons eu envie d’en parler à travers un film pour mettre sur la table cette question de la motivation. Une question si évidente mais jamais réellement abordée quand on parle de réformes à l’Education Nationale. »
Comment avez-vous recruté ces Mauvais élèves ?
« Nous avons pris le parti d’interroger d’anciens mauvais élèves devenus adultes. Nous voulions voir comment ils avaient vécu cette scolarité, quelles traces elle avait laissé chez eux. Nous avons lancé un appel à témoins dans la Dépêche du Midi et le lendemain, le téléphone a sonné…
Le premier coup de fil est celui d’un directeur des impôts qui a pris sa revanche sur une scolarité peu prometteuse! Des jeunes mais aussi des adultes et même des grands-pères nous ont contactés. De témoignages en témoignages, nous avons vite été débordés par le nombre des candidats potentiels! Nous commencions à comprendre que le sujet était très concernant. En fait, un grand nombre de gens avaient mal vécu leur scolarité, qu’ils soient très mauvais élèves ou juste pas loin de la moyenne. Certains étaient issus de familles ou de quartiers difficiles, d’autres au contraire venaient de familles où la réussite scolaire était une obligation non-négociable. Ce qui mettait une pression supplémentaire… »
Que vous ont-ils raconté ?
« La première surprise a été de découvrir une grande souffrance chez beaucoup d’entre eux. L’échec scolaire avait cassé quelque chose en eux. Ils avaient beaucoup de mal à surmonter les peurs et les doutes que cet échec avait générés. Certains avaient même entrepris une psychanalyse à ce sujet. D’autres vivaient dans la négation de ce passé, le cachaient à leurs enfants et à leurs amis. Des témoins pleuraient en évoquant leur échec ou celui de leurs enfants… Cela nous a surpris car l’image du mauvais élève joyeux et turbulent laissait place à des personnes discrètes et sensibles qui avaient souffert en silence de leur « médiocrité scolaire ».
Le film prenait une tournure dramatique et parfois même violente. Beaucoup en voulait à l’école de les avoir traités en « mauvais élèves ». Les mots prononcés devant la classe ou les parents, les appréciations sur le bulletin et le comportement de certains professeurs les avaient blessés profondément. 20 ou 30 ans plus tard, ils se souvenaient parfaitement de ces situations. Certaines anecdotes étaient en effet terribles et la violence verbale ou psychologique était très présente dans les témoignages.
La deuxième surprise a été de voir qu’ils s’emparaient du sujet pour refaire l’école à leur sauce, telle qu’ils l’auraient rêvée. À travers leur histoire personnelle, ils dessinaient les contours d’une école idéale où ils auraient pu trouver leur place. Leurs revendications sont simples et peu coûteuses pour la plupart. Vous le verrez en regardant le film… »
Dans ce film, vous avez fait témoigner également des enseignants… Pourquoi ?
Oui, nous avons donné la parole à trois enseignantes parce que justement, certains sont tout à fait conscients qu’il faut changer les choses. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire… L’école est un train lancé à grande vitesse, presque impossible à arrêter, avec 12 millions de passagers à bord ! Les professeurs sont aussi d’une certaine façon victimes du système au sein duquel ils travaillent. Ils ont l’obligation de traiter l’intégralité du programme de l’année, d’aller vite et d’évaluer en permanence les élèves. Ce qui met une pression incompatible avec de bonnes conditions d’apprentissage.
Les parents jouent aussi un rôle, car certains n’hésitent pas à contrôler l’exécution du programme, reprochant justement aux enseignants de ne pas aller assez vite ou de ne pas donner assez de devoirs. Ces parents sont dans leur propre formatage scolaire. Ils répercutent sur leurs enfants les exigences qu’on a eues pour eux et que la société impose… »
Retrouver l’intégralité de l’interview sur www.mauvaiseleves.com. Le film est distribué par l’association REGIE SUD qui propose des projections-débats dans toute la France.
Comments are closed