Comme les ateliers Montessori, la motricité libre est en train de se démocratiser et de fortement inspirer les jeunes parents. La psychomotricienne que je suis est plutôt ravie de ce phénomène. Seulement, j’ai lu dans des groupes de discussions de professionnels, qu’il y avait quelques dérives à la motricité libre. Alors je me suis dit que ce pourrait être bien de refaire un petit point sur ce concept, pas du tout récent, mais pourtant toujours d’actualité.
Test
La motricité libre est un concept proposé par Emmi Pickler, pédiatre Hongroise. A partir de ses observations sur l’activité spontanée du bébé, Emmi Pickler découvre le plaisir et l’intérêt que le bébé prend à découvrir seul ses possibilités motrices. Toucher, expérimenter, répéter, tâtonner, persévérer, sont les meilleurs moyens de rendre l’enfant maître de son développement. L’enfant n’apprend pas à se retourner ou se tenir assis, il le découvre au gré de ses expérimentations au sol.
Elle montre l’importance de proposer aux bébés des espaces d’exercices pour que l’enfant puisse profiter pleinement de cette expérimentation spontanée : un espace d’activité libre où l’adulte n’intervient pas lors des manipulations et découvertes mais un adulte qui organise l’espace de façon à proposer des activités adaptées aux capacités et aux goûts de l’enfant et dans un cadre sécurisé.
Le but: En explorant et en découvrant par soi-même, le bébé se sent compétent et capable de faire. Ceci augmente sa confiance en soi et l’envie de progresser et persévérer dans l’effort.
« La liberté motrice consiste à laisser libre cours à tous les mouvements spontanés de l’enfant, sans lui enseigner quelque mouvement que ce soit. » Emmi Pikler
1. L’utilisation de transat est interdite. Vrai et Faux
Disons que tout objet de puériculture qui pourrait entraver la motricité libre de l’enfant est banni. Et le transat en fait partie car l’enfant est dans une position semi assise peu naturelle qui limite ses mouvements. Mais bon, je pense qu’il faut savoir relativiser et s’adapter à son quotidien. Moi, par exemple, ma fille a eu beaucoup (et encore parfois) de reflux. Donc après les repas, il était hors de question de la poser au sol. Je préférais que la digestion se fasse tranquillement. Mais en dehors de ces périodes de digestion et éventuellement quand elle se fatigue, elle est sur son tapis à évoluer librement.
2. Je ne dois jamais aider mon enfant. Vrai et Faux
Et oui encore une réponse de normand mais ce n’est pas si radical comme concept. Et surtout je pense qu’il faut s’adapter à son enfant. Donc je disais, vrai, dans le sens où votre enfant a beaucoup plus de ressources pour parvenir à son objectif que vous ne le pensez.
L’autre soir encore, le papa de Mistinguette allait intervenir pour rapprocher le jouet que la miss cherchait à atteindre. Elle s’étirait de tout son long ; je lui ai demandé d’attendre un peu. Elle était à ce moment-là très concentrée et pas du tout en demande (pas de cri ou de signe d’énervement). Au final, elle s’est rabattue sur un autre jouet derrière elle puis y est revenue par la suite. Le fait de ne pas intervenir et de ne pas l’interrompre dans son entreprise lui a permis de réussir par elle-même. Ce qui est beaucoup plus gratifiant.
Dans le cas où votre enfant se retrouve coincé (un bras bloqué sous lui, gêné par un objet, …) il est en effet préférable de l’assister un peu. Restez alors à côté de lui pour lui montrer que vous êtes là si la situation devient vraiment bloquée. Et lorsque le point de non-retour arrive, replacez-le dans sa position de départ afin qu’il trouve la solution lui-même. Ainsi si votre enfant s’est retrouvé bloqué en cherchant à rouler sur le ventre, ne le placez pas sur le ventre. Mais remettez-le sur le dos afin qu’il recommence son enroulement. La prochaine fois qu’il se retrouvera dans cette situation, il parviendra ainsi à se sortir de la situation de manière autonome.
3. On évite de placer tous ses jouets sur le tapis. Vrai
Il est préférable de proposer une petite quantité de jouets à votre bébé. L’idéal est de rester dans une thématique par le biais de paniers de découvertes (instruments de musique, couleur bleue, objets en bois, tissus, objets de la salle de bain, etc.) afin de ne pas disperser son attention. Le temps de concentration des bébés étant court, il montrera des signes de fatigue et de désintérêt au bout d’un moment. C’est alors qu’il sera bon de ranger ce panier pour en proposer un autre et ainsi relancer son attention.
En plaçant tous ses jouets sur le tapis, votre enfant va recevoir trop d’informations. Et au final il va s’ennuyer car son attention ne va se fixer sur aucun jouet en particulier. Un peu comme vous face à votre armoire le matin : « je n’ai rien à me mettre » alors que si vous sortiez 3 tenues différentes chaque matin, votre choix serait bien plus aisé.
4. On ne met jamais un enfant assis. Vrai mais …
Il s’agit là de LA référence en matière de motricité libre : on ne place jamais un enfant assis tant qu’il ne sait pas s’y placer de lui-même. Et là je vais refaire ma normande. Alors oui : un enfant calé entre deux coussins alors qu’il ne maîtrise pas l’équilibre dans cette position a peu d’intérêt pour son développement. Car il se retrouve coincé dans une situation dont il ne peut se défaire et qui en plus va l’empêcher d’explorer autour de lui de peur de tomber.
Cependant, si l’enfant découvre un peu l’intérêt de cette position, à savoir une vision différente ou de nouvelles possibilités de manipulation, il sera peut-être encore plus motivé pour vouloir y parvenir.
Personnellement, pour ses histoires de reflux mais aussi pour relancer l’intérêt d’une activité, je place parfois ma fille assise entre mes jambes. Je ne la laisse pas longtemps car elle me montre vite qu’elle veut bouger. Et comme elle ne maîtrise pas l’équilibre dans cette position, je n’ai aucun intérêt à la laisser ainsi. C’est la placer dans une position d’échec finalement car elle n’a aucune maîtrise sur son environnement. Seulement je vois bien qu’elle apprécie avoir un autre angle de vue. Alors pourquoi l’en priver ?
5. Je peux profiter de ce temps de jeu libre pour aller faire autre chose. FAUX
Bon OK c’est un peu radical comme réponse. Mais c’est que là aussi j’ai lu que certains parents adeptes de la motricité libre le font. Et oui « comme on doit laisser l’enfant faire par lui-même, moi à côté je n’ai pas besoin de m’en occuper ». Sauf que sans aucune stimulation, c’est à dire aucun aménagement de l’espace (mettre des jouets à disposition et savoir en proposer d’autres au moment opportun) mais aussi et surtout sans un regard et une attention bienveillante d’un adulte, votre enfant n’aura aucune motivation à bouger et à explorer autour de lui. C’est aussi votre présence qui lui donne confiance en ses capacités.
Cela ne vous empêche pas de jouer avec le grand juste à côté. Mais votre présence et vos encouragements sont essentiels dans cette prise d’initiative.
- Ne soyez pas trop rigide et adaptez-vous à votre enfant et à votre quotidien
- Essayez de placer votre bébé le plus possible au sol de manière à ce qu’il explore librement ses mouvements et surtout le plus tôt possible
- Un bon tapis et quelques jouets suffisent
- Replacez votre enfant dans la position qu’il maîtrise et non celle qu’il cherche à atteindre
- Ne devancez pas ses besoins
- Encouragez et accompagnez ses découvertes mais ne faites pas à sa place
- Et enfin … prenez le temps de l’observer car c’est vraiment surprenant de le voir évoluer ainsi. Et puis ça passe si vite !
Toutes les illustrations (aussi esthétiques que justes) proviennent du blog de Bougribouillons.
Emmanuelle LANGLOIS pour l’association Oze
psychomotricienne
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