autonomie
Paulo Freire est un pédagogue brésilien né en 1921 ; le milieu dans lequel il évolue lui fait constater la pauvreté et l’existence difficile des classes populaires. Il élabore une méthode d’alphabétisation qui prend en compte la situation concrète de l’apprenant et s’engage dans une réflexion pédagogique qui insiste sur la dimension politique de l’éducation. Pédagogie de l’autonomie est, ainsi que le souligne sa seconde épouse Ana Maria, le « livre-testament de sa présence dans le monde », qui fait le résumé de sa vision de l’éducation et qui dresse au fil du propos un portrait de l’enseignant éthique. Qui donne à voir, surtout, la pensée critique d’un pédagogue engagé dans son temps. Ensuite
Pour une éthique de l’enseignement
-
Comment est-on éthique ? Ensuite
Pour les animaux, le milieu dans lequel ils évoluent est uniquement un support. N’agissant pas sur lui pour le transformer et le reste du vivant n’étant qu’une partie de ce support qui sert parfois leur besoins vitaux, jamais ce support ne prend de signification pour eux. L’être humain au contraire se caractérise par sa propension à donner du sens au milieu où il vit. Ce milieu est le monde. Lorsqu’on passe du support au monde, dit Freire, on passe du même coup de l’indifférence à la responsabilité : c’est alors que naît l’attitude éthique. autonomie
Une personne éthique est quelqu’un qui, ayant pris conscience de son impact sur le monde, décide d’agir en conséquence, y compris dans sa relation à l’autre, c’est-à-dire en surveillant son comportement de manière à ce qu’il soit dominé par la justice et l’attention attentive portée aux choses et à ses semblables. L’enseignant n’y échappe pas ; son cas peut paraître particulier, car enseigner exige un équilibre entre l’autorité et la liberté.
Encore que la définition de la liberté que propose Freire paraîtra peut-être surprenante ;
Le mot « rébellion » ne lui fait pas peur, ni l’élève qui s’en saisit. « Jamais l’autorité, dit-il, ne voit dans la rébellion un signe de la détérioration de l’ordre ». C’est que pour lui la rébellion n’est pas le signe de la fin d’un ordre, mais celui de l’inquiétude de l’élève face au monde nouveau qu’il découvre. C’est le devoir d’un enseignant que de répondre à cette inquiétude, quelle que soit la forme qu’elle prend. autonomie
Ainsi le premier rôle de l’enseignant est-il de tirer l’élève d’un premier état de la curiosité (« curiosité ingénue ») vers un second état de la curiosité qui sera méthodique. Il ne s’agit jamais de faire croire à l’élève que le savoir lui sera donné clefs en main et une fois pour toute, pour ainsi dire, mais au contraire de le maintenir dans un processus de recherche de plus en plus qualitatif. La curiosité est pour Freire un phénomène vital dont il faut s’assurer de la permanence, afin que l’élève finisse par comprendre que le futur (et donc l’Histoire) est une construction : « le monde n’est pas. Le monde est en train d’être […] ». Ensuite, autonomie
-
L’enseignant doit cultiver le « penser juste » autonomie
Ce qui doit permettre à l’enseignant d’être un être éthique est le fait de.cultiver le « penser juste ». Le penser juste n’a rien à voir avec le fait d’avoir raison, c’est une attitude intellectuelle ; ainsi penser juste peut impliquer avoir tort. Penser juste est d’abord penser par soi-même ; il y a chez l’enseignant un même défaut de la répétition que chez l’élève. Or l’enseignant pour Freire devrait bien plutôt être un « lanceur de défis » qu’un répétiteur. Le courage de l’esprit critique chez l’enseignant prend une forme symétrique à la capacité de questionner chez l’élève. Pense juste l’enseignant qui a conscience de son inachèvement. Ensuite
Ce thème de l’inachèvement est particulièrement récurrent dans ce texte ; il justifie que la tâche d’enseigner n’est pas une posture statique. C’est au contraire la capacité d’apprendre en même temps que l’on donne à voir sa connaissance. En un sens, l’enseignant est lui-même un élève ; ou ce que doit devenir un élève, pour être plus exacte. Un enseignant capable de s’interroger, de se remettre en question et de poursuivre la recherche amorcée depuis l’enfance, est quelqu’un qui réussit à garder intacte cette curiosité qui anime l’être humain, et qui sait être honnête et exigeant moralement envers lui-même, ce qui est la condition de base dans l’optique d’un enseignement.
Lorsque les élèves peuvent constater cette honnêteté et cette exigence (quitte parfois à découvrir que l’enseignant ne sait pas tout), alors commence chez eux un apprentissage de cette éthique qui devient la propriété de l’être humain et qui, pour être conservée en lui, doit s’exercer.
-
… Et finalement, l’autonomie
Un enseignant est exemplaire lors qu’il donne à voir son courage intellectuel ; l’enseignant, dit Freire, doit savoir « se mouiller ». Sa tâche ne consiste pas à transférer du savoir, mais à « créer la possibilité de production ou de construction » de ce savoir. En somme il s’agit de faire comprendre à l’élève comment faire pour parvenir à répondre aux.questions que l’on se pose. La curiosité méthodique, c’est le fait de savoir orienter ses recherches. Ce passage d’une curiosité banale à une curiosité scientifique ne se fait pas de manière automatique. On peut dire que pour Freire, il est insensé de chercher à faire de l’élève le sujet de son apprentissage en le traitant comme un objet dans lequel on coule du contenu scolaire.
Cette attitude facile et destructrice de la volonté personnelle est nommée « bancarisme » par le pédagogue. Il y a pour lui une différence de taille entre le « professeur .bancaire » et le « professeur problématiseur ». Le premier produit un élève passif ; le second cherche au contraire à.se servir de l’inquiétude et de la curiosité innée de ce dernier afin de le mener vers une compréhension de la façon d’apprendre. Vers une attitude critique, donc, et de là, à son autonomie. Quel est le sens, semble-t-il vouloir dire, d’une éducation qui cherche à mater l’élève ? Est-ce pour lui ou pour l’élève que l’enseignant s’engage dans son domaine ?
Toute entière éthique est pour Freire cette question de l’attitude de l’enseignant.
Il la partage avec de nombreux autres pédagogues, et Montessori, par exemple, fustigeait déjà dans ses écrits la propension de l’adulte à se décharger de sa colère et de son orgueil sur les enfants. Le propos peut s’étendre évidemment, comme c’est le cas chez Freire, aux adolescents et même aux adultes du.moment où ils se trouvent en position hiérarchique d’infériorité : ils sont élèves ou étudiants, ils « dépendent » en tout cas d’un professeur. Croire que l’on peut construire une autonomie dans l’élève en détruisant son estime de soi est un non-sens. Une personne qui ne s’estime pas ne peut jamais plus que chercher à plaire ; elle est donc dépendante de l’opinion des autres. L’autonomie, dans ce qu’elle implique d’esprit critique, est au contraire une capacité à réfléchir.par soi-même et ne dépend que d’une honnête intention à trouver la vérité. Au demeurant, Freire le rappelle, une personne compétente ne sera pas moins compétente parce qu’elle aura cessé d’être « pleine d’elle-même ». En revanche, il est à parier qu’elle deviendra meilleure en ayant gagné en bienveillance.
YR pour l’Association Oze
https://educationpositive-oze.fr
www.art-de-vivre-en-famille.fr
Pour aller plus loin, découvrez ces autres articles :
https://educationpositive-oze.fr/montessori/
https://educationpositive-oze.fr/envole-toi/
https://educationpositive-oze.fr/comment-motiver-son-enfant/
Comments are closed