Lorsque l’on parle d’acquisition de la propreté, il vaudrait mieux en fait employer le terme d’acquisition du contrôle des sphincters. Elle est une acquisition motrice et dépend essentiellement de la maturation neurologique. Les trucs, astuces et autres intentions «d’apprentissage» quant à l’accélération du passage de la couche au pot chez l’enfant pourraient donc bien n’avoir que peu de sens… En effet, comment pourrions-nous avoir une quelconque influence sur la maturité des terminaisons nerveuses de la moelle épinière ?!
La propreté et le pot : une maturation neurologique et non un apprentissage.
La psychomotricienne Monique Busquet a travaillé sur ce sujet et expliqué son point de vue. L’enfant entre 2 ans et demi et 4 ans, prend « naturellement » conscience de ses sensations corporelles internes. Il peut les analyser et en tirer des conséquences évidentes : aller sur le pot ou aux toilettes. Il va donc sentir et savoir quand il est prêt à se débarrasser de ses couches. Evidemment, ce moment pourra être modulé dans le temps. Par exemple pour les petits paresseux ressentent clairement leurs besoins, mais n’ont d’arrêter ce qu’ils sont en train de faire pour une pause toilette. Ou encore ceux qui veulent rester encore bébé même s’ils ne le sont plus neurologiquement.
Pourtant, on a longtemps pensé qu’il fallait enseigner et inculquer à nos enfants toutes les connaissances et savoirs. Et ce sans penser qu’on pouvait faire confiance à leurs propres capacités de développement. Il nous appartenait donc, dans le pire des cas de les « dresser » et dans le meilleur de les« éduquer » pour les rendre propres. On peut noter le côté moralisateur du terme propre. Il sous-entend qu’ils sont donc sales. D’ailleurs, dans le langage courant, saleté et caca se confondent souvent. N’entend on pas fréquemment dire à l’adresse d’un jeune enfant : « Ne touche pas, c’est caca ! » ?
Le passage au pot : une pression sociétale
Alors pourquoi, à un moment donné, commence-t-on à se préoccuper de la « propreté » de notre enfant ? Peut-être parce que nous sommes imprégnés de ces principes d’éducation ? D’une société qui valorise les acquisitions de l’enfant de plus en plus précocement ? « Est ce qu’il marche ? » « Elle dit maman ? » « Il a une dent ? » « Elle n’a plus de couches ? »
Plus probablement pour des raisons pratiques… Qui font qu’en tant que parents, il est plus simple d’autonomiser son enfant. Assurément, parce que dans le système scolaire en vigueur, la deadline de l’entrée à l’école est significative. Si l’enfant a des couches, il ne peut pas intégrer la petite section. D’où la course contre la montre de l’été précédant la première rentrée scolaire. Mais finalement, même si ce critère est souvent mal perçu, est-il si idiot que ça ? Ne peut-on pas imaginer que si l’enfant n’est pas prêt pour contrôler ses besoins de pipi/caca, c’est qu’il n’est peut-être pas prêt non plus à aller à l’école ? À passer huit heures par jour dans un environnement qui demande, à l’évidence, un certain degré d’autonomie ? Et pas seulement pour aller aux toilettes !
Un conditionnement qui peut être néfaste
Mais parfois, il est vrai, la « pédagogie du pot » semble fonctionner. On assiste à des réussites plus ou moins parfaites (les accidents) quand on met en place des rituels, à heures fixes, avec lecture d’un petit livre par exemple, quand on installe l’enfant sur le pot. Oui, on peut tomber pile sur le bon moment, on peut parvenir à conditionner un enfant «presque prêt» en jouant le rôle d’accélérateur. Mais attention au risque induit par le fait de vouloir repérer à sa place ses besoins et qui pourrait l’empêcher d’être à l’écoute lui-même de ses sensations. Le message pourrait même être dangereux si l’enfant le perçoit comme « je dois contracter en permanence mes sphincters sauf quand on m’autorise à les ouvrir». On voit en effet parfois, des enfants qui, de peur de ne pas savoir dissocier la contraction des sphincters de celle des autres muscles nécessaires à son libre mouvement, ne courent plus, ne rient plus, ne parlent plus, voire ne dorment plus… D’autres, se sentant dévalorisés de ne pas pouvoir répondre parfaitement à l’exigence de propreté, être inquiets, angoissés, constipés…
Alors que faire ?
Alors, si on se détendait un peu ? Si on oubliait les jeux de rôle de la poupée à qui on enlève sa couche, le livre « Petit lapin blanc va sur le pot » (on est content pour lui mais ce n’est pas forcément le moment pour notre petit lapin à nous). Les bravos, les petits cadeaux, les diplômes… Si on se contentait d’observer les signes avant-coureurs classiques de la maturité neurologique : une couche qui reste sèche plusieurs heures, un enfant qui veut mettre une culotte « comme les grands », qui va monter et descendre les escaliers tout seul, qui peut nommer les parties de son corps, qui est conscient que son corps est un contenant et qu’il reste entier même quand il se vide…(le stress de la chasse d’eau qui « emporte une partie de lui » souvent décrit comme un traumatisme…). Et si on lui faisait confiance, en respectant son rythme ? En nous souvenant que l’enfant ne grandit pas pour faire plaisir à l’adulte mais qu’il prend plaisir à grandir accompagné par l’adulte. Allez, sans rancune, Petit Lapin blanc !
Emmanuelle R., pour l’Association Oze
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