Pour beaucoup, l’argent de poche est un bon moyen de s’ouvrir aux réalités de la vie quotidienne et de se responsabiliser. En manière de récompense ou à l’occasion de fêtes particulières (lors des anniversaires, par exemple), l’argent est un des sujets qui reviennent le plus dans une vie de famille. Alors, faut-il en donner aux enfants, à partir de quel moment et à quelles occasions ? Pour quel montant ? Et enfin, faut-il que cela devienne systématique au point que tous les « coups de main » soient « rémunérés » ?
Certains parents ouvrent un compte en banque à leur enfant dès sa naissance pour y mettre un pécule de côté, en vue d’études futures par exemple. D’autres le donnent plutôt régulièrement, soit à date fixe, soit afin de récompenser les aides à des tâches bien particulières (avoir lavé la voiture, ou d’autres choses aussi exceptionnelles). Quoiqu’il en soit, si certains psychologues autorisent l’enfant à disposer d’argent dès son plus jeune âge (lorsqu’il commence à développer sa capacité à utiliser les chiffres), il faut bien garder à l’esprit que la notion de valeur ne peut être acquise qu’à un âge plus avancé, vers 6 ou 7 ans. C’est aux alentours de cette période que le parent doit expliquer à son enfant que l’argent n’est pas un bien « gratuit » et infini, mais qu’il le tire de son travail.
Cela donne une première notion d’effort à l’enfant qui comprend que le travail mérite une contrepartie. Est-ce à dire qu’il faut céder à ses réclamations et rémunérer chacune des aides qu’il donne à la maison ? Une telle chose n’est évidemment pas envisageable, sans quoi chaque menue action à effectuer risquerait de tourner au chantage ; ou bien, l’enfant n’envisagerait plus son propre bonheur que comme étant forcément conditionné à la somme d’argent reçu ; pire, toute notion de bien commun n’aurait plus lieu d’être dans la vision du monde ainsi construite du petit, plus tard de l’adolescent. En bref, entre le don de soi total et une conception du monde entièrement fondée sur l’appât du gain, il y a un juste milieu que les parents devraient veiller à maintenir. Car tout n’est pas monnayable, et l’enfant doit savoir que certains actes qu’il effectue sont bons en eux-mêmes et lui sont utiles indépendamment de la somme qu’on est prêt à mettre dessus.
Par ailleurs, on a coutume de valoriser la réussite scolaire par un petit bonus monétaire, mais il ne faudrait pas que cela se retourne contre l’enfant lorsque ses résultats n’apparaissent pas satisfaisants. Dans ce dernier cas, l’argent non donné pourrait être perçu comme une manière de punition. La réussite scolaire n’a pas toujours un lien avec la volonté de réussir de l’enfant, il ne faut donc pas substituer le dialogue indispensable entre parents et enfants à l’acte de privation, dont on peut avoir l’impression qu’il vaut tous les discours. L’argent de poche ne doit pas devenir source de conflit ; bien utilisé, il peut même devenir un bon outil pédagogique. C’est que l’argent dans les mains de l’enfant, et plus encore dans ceux de l’adolescent, a le poids de la responsabilité qu’il porte désormais. La notion d’effort est déjà apparue, celles de budget et d’économies font leur apparition. Ainsi lorsque l’enfant veut un vêtement ou un objet quelconque, et que sa valeur excède le montant de son argent de poche présent, cela l’oblige à mettre de côté ses gains et souligne à ses yeux plus que jamais la valeur des choses.
Savoir ne pas dépasser son budget, tenir ce dernier à jour, et finalement par ce biais apprendre à refréner ses envies et à ne pas se laisser dominer par elles, tout cela contribue à le faire mûrir dans son comportement et sa personnalité, pour peu que les parents jouent le jeu et, comme le préconisent certains, n’accordent pas de rallonges et d’avance à tout va. Ici comme en tout, la discussion est indispensable afin de mettre au clair les choses, car le désir d’argent de l’enfant ne doit pas devenir un tabou pour les parents.
YR, pour l’association Oze
Comments are closed