Il peut être parfois déboussolant de découvrir que son enfant est précoce sur le tard, à l’adolescence. Toutefois, cela ne signifie pas que sa scolarité va en pâtir si l’on reste à l’écoute de ses besoins pour l’aider à gérer cette précocité.
L’expérience d’Alicia
Je suis professeure d’anglais dans un lycée en banlieue parisienne. Les classes de seconde sont composées de 35 élèves. Pour un cours de langue, c’est assez aberrant. Mais on parvient tant bien que mal à faire progresser chaque élève comme on peut.
La majorité des enseignants savent qu’avec la diversité des profils des élèves, il est souvent difficile de dire que c’est tous les jours un bonheur de retrouver nos 35 petits monstres.
Lors de mon premier contact avec un nouveau groupe en septembre dernier, je m’attendais à relever un nouveau défi. Mais je ne pouvais pas imaginer de quelle ampleur il allait être.
Une élève plutôt bonne dans ma matière – mais peu travailleuse vu de l’extérieure – était agressive et montrait tous les aspects d’un élève décrocheur (mise au travail difficile, besoin d’être motivée). Elle cherchait vraiment à me blesser en portant un regard négatif sur les activités que je proposais. Il était difficile pour moi de la voir s’ennuyer en classe. Chaque remarque ou participation au cours était agressive. Et pouvait aussi être une source d’anxiété chez les autres élèves. J’ai fait preuve de patience en essayant de cerner ce que cette élève essayait de me dire à travers ce comportement. Jusqu’à ce qu’elle me manque de respect ouvertement devant la classe.
J’ai pris rendez-vous avec le CPE, nous avons rencontré l’élève. Nous l’avons écouté et avons présenté ses qualités (maturité d’esprit, certains bons résultats,…). Avant d’expliquer ce qui dysfonctionnait dans l’attitude qu’elle proposait en classe.
Qu’est-ce que la précocité ?
Par chance, au même moment, une collègue spécialisée dans les questions sur la précocité proposait une mini-conférence d’information sur les EIP, les élèves intellectuellement précoces. La conférence était organisée à l’initiative de cette collègue, qui a elle-même élevé trois enfants précoces à la maison. Et qui s’est beaucoup renseignée sur le mode de fonctionnement de ces enfants.
J’ai appris alors qu’un enfant précoce n’est pas nécessairement un génie. C’est une personne qui a des facultés à penser qui sont différentes des nôtres. On parle d’ailleurs de pensée en arborescence. En effet, au lieu d’aborder un problème en partant d’un point A pour aller vers un point B, un élève précoce va faire appel dans son esprit à toutes ses expériences en lien avec la situation pour trouver des éléments de réponses à la problématique.
Un livre bien documenté – nous avions au lycée 100 idées pour accompagner un enfant à haut potentiel d’Olivier Revol, Roberta Poulin et Doris Perrodin – m’a aidée à comprendre un certain nombre de choses. Par exemple, il y a plusieurs types de précocité. Ce qui revient, c’est que les élèves précoces ont peu confiance en eux. Ils sentent qu’ils ne fonctionnent pas comme leurs camarades et ne comprennent pas pourquoi. Ce qui peut les amener à se dévaloriser ou à être agressif. Ils peuvent s’ennuyer en classe car les processus d’assimilation (répétition, retour sur des notions) que les enseignants mettent en place sont redondants pour eux.
Se redécouvrir avec sa différence
Je rentrais chez moi, la tête pleine de comparaisons entre ces élèves décrits par ma collègue et Alicia. Il y aurait en moyenne deux élèves EIP par classe ! J’ai donc inscrit Alicia à un rendez-vous avec ma collègue qui, par un premier avis, pouvait diriger les élèves vers des professionnels sur ces questions.
Quelques semaines plus tard, toute l’équipe a reçu un email présentant les besoins particuliers d’Alicia. Elle avait des rendez-vous hebdomadaires avec une tutrice. Aussi, nous pouvions la laisser sortir du cours pour rejoindre la vie scolaire lorsque le cours en classe entière devenait trop pénible pour elle avec un système de code entre l’élève et les enseignants. J’ai trouvé des activités plus souples et me suis montrée moins rigide sur la prise de notes du cours.
Alicia a appris à se connaitre avec ces rendez-vous et quelque chose s’est peu à peu désamorcé. La relation avec la classe s’est améliorée bien que le travail en groupe reste quelque chose de difficile pour cette élève. Le travail en binôme avec une personne de confiance reste le plus adapté.
L’agressivité chez un ado peut cacher bien des choses, de même que le mutisme pour d’autres. C’est une manière de dire que quelque chose ne va pas. Etre à l’écoute de son enfant, c’est lui permettre de s’épanouir dans le milieu dans lequel il vit.
Amélie D. pour l’Association Oze
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