J’ose à peine vous inviter à lire ces lignes tant je ne sais si cette nouvelle réforme du collège sera un jour appliquée ou si un nouveau ministre en charge de l’éducation voudra à son tour imprimer son nom lors de son passage rue de Grenelle.
Présentée le 11 mars dernier par Nadjat Valaud Belkacem, elle suscite depuis une levée de bouclier assez impressionnante. Que propose cette nouvelle réforme ? Tachons d’ y voir plus clair.
Selon notre ministre, le collège est le « maillon faible de l’Education Nationale » et il est donc urgent de le réformer. En effet, nos enfants s’y ennuieraient et le collège serait un creuset d’inégalités sociales.
Cette réforme s’articule autour de trois idées directrices :
- Le développement de l’apprentissage transversal et par cycle grâce aux EPI
- L’introduction d’une nouvelle langue vivante dès la classe de 5ème
- De nouveaux programmes évidemment
1°- Le developpement des EPI ou Enseignements Pratiques Interdisciplinaires
Il faut définitivement faire son deuil de l’enseignement « à la papa » où le prof dispense son savoir devant une assistance attentive et respectueuse. Aujourd’hui il faut rendre l’école attractive et pour cela il faut donner du sens.
L’idée est de donner plus d’autonomie aux collèges afin de developper cette complémentarité inter- matières en permettant à des professeurs de différentes matières de s’associer pour élaborer un nouveau cours.
La transversalité des matières est une bonne idée et avait déjà été mise en place en 2002 par Jack Lang avec les IDD « itinéraires de découverte « …
Ces EPI devront s’organiser autour de 8 thèmes proposés à savoir :
- Developpement durable
- Sciences et Société
- Corps, santé et sécurité
- Information, communication et citoyenneté
- Culture et création artistique
- Monde économique et professionnel
- Langues et cultures de l’Antiquité
- Langues et cultures régionales et étrangères
Un exemple donné par le Ministère de l’Education Nationale (on ne relèvera pas la syntaxe de la question posée « c’est quoi un urbaniste ? » )
Monde économique et professionnel : anglais, géographie, mathématiques
C’est quoi un urbaniste ?
Les professeurs d’anglais, de géographie et de mathématiques ont décidé de faire découvrir un métier aux élèves, celui d’urbaniste. Pour cela, chacun a prévu d’associer la découverte de cette profession à une partie de leur cours. Après avoir fait intervenir un professionnel de l’urbanisme qui a présenté aux élèves son métier, la mise en pratique a pu commencer.
Le professeur de géographie lie le projet au chapitre sur la ville et sur les paysages et territoires pour que les élèves puissent mieux comprendre les problématiques posées dans ces chapitres à travers le regard d’un professionnel.
Le professeur de mathématiques a choisi de s’appuyer sur l’urbanisme pour aborder le chapitre « Aires et périmètres. «
Le professeur d’anglais quant à lui veut demander aux élèves de produire un exposé simple à l’oral sur ce sujet en expliquant brièvement ce qu’est le métier d’urbaniste et en prenant un cas très concret d’un quartier dans une ville anglophone.
Marie et Mélanie vont donc préparer un exposé et pour répondre à l’énoncé, ont dessiné sur une grande affiche le plan d’un quartier de Seattle. Elles ont tout d’abord expliqué comment l’urbaniste travaillait pour définir les contours d’un nouveau quartier. Puis, à partir du plan qu’elles ont remis à tous les élèves, elles ont comparé l’utilisation des différentes surfaces : la surface du parc, la surface des habitations, la surface du nouveau centre commercial.
Tout cela, en anglais !
Elles ont ainsi découvert un nouveau métier tout en mettant en œuvre leurs compétences : les concepts simples sur la ville, le calcul des aires et l’anglais.
L’idée est plutôt séduisante car elle permet effectivement de donner une place plus active au collégien, de lui permettre de comprendre pour mieux apprendre, bref de « faire sens » en rendant l’apprentissage concret.
Mais où prendre ces 3 heures par semaine ? Le problème est qu’il formellement exclu d’augmenter le temps de travail des enfants (et des enseignants peut être et surtout). Ces trois heures se feront forcément au détriment de l’apprentissage classique des enseignements fondamentaux tels que le français et les maths et nous savons que les enseignants ont déjà du mal à boucler le programme alors comment cela va-t-il être possible ?
L’idéal serait bien évidemment de permettre cet enseignement transversal sous forme d’ateliers périscolaires facultatifs mais ne rêvons pas ! L’heure n’est pas aux dépenses supplémentaires.
Un autre grand débat agite le monde de l’éducation car la réforme supprime aussi les enseignements du latin ou du grec sous forme d’option mais les intègre dans l’EPI « Langues et cultures de l’Antiquité »
Accusée de vouloir faire disparaître totalement le latin et le grec, la ministre avance que des notions d’études de ces langues anciennes seraient maintenues car intégrées dans le cours de Français.
Mais ne peut on pas garder en parallèle cette option ? Pourquoi la faire disparaître ?
Le symbole est fort, sans doute un peu trop, quand en plein cœur du débat on propose d’intégrer aux programmes des modules d’improvisation théâtrales, chers au cœur de Jamel Debbouze .
Démagogie ou modernité ? Je vous laisse juge …
Aux dernières nouvelles, le Ministère a pris en considération le problème car si l’EPI « Langues et cultures de l’Antiquité » demeure, le latin et le grec resteraient des enseignements de complément.
2°- Une deuxième langue vivante dès la 5ème
Les français sont mauvais en langues, c’est une évidence et il faut donner aux élèves les moyens de progresser afin de s’insérer dans un univers professionnel de plus en plus mondialisé.
En 2008, lors du TOEFL (Test of English as a Foreign Language), les candidats français (en fin de lycée) arrivent tout juste au niveau attendu. La France se classe au 69e rang du classement mondial (sur 109). »
D’où l’idée de rendre obligatoire dès la classe de 5ème une seconde langue vivante alors qu’elle n’était obligatoire qu’à partir de la 4ème.
Parallèlement, dès le CP l’enseignement de l’anglais sera renforcé et généralisé.
Le problème est que cela entraîne la disparition des classes bilingues et européennes jugées trop élitistes car réservées aux bons élèves (ceux qui peuvent supporter quelques heures de cours supplémentaires) et permettent aussi aux parents de contourner la carte scolaire en évitant le collège de secteur s’il a mauvaise réputation.
Les classes bilangues concernent actuellement 16% des élèves en 6ème et 5ème et les classes européennes 11%.
Nombre de collèges difficiles avaient ouvert ces classes afin d’attirer enfin de bons éléments au lieu de les faire fuir permettant ainsi à l’ensemble de l’établissement d’améliorer sa réputation.
Mais pour Madame Valaud Belkacem qui rêve d’un monde plus égalitaire, l’idée est « d’ouvrir à tous l’accès à des dispositifs actuellement réservés à une minorité le plus souvent privilégiée socialement et culturellement » .
Voila sans doute la véritable raison de cette introduction de la 2ème langue en classe de 5ème, développer l’excellence pour tous … même si cela reviendra à terme à un nivellement par le bas.
En effet, comment penser une seconde qu’en introduisant une LV2 plus tôt pour tous les collégiens, le niveau global va s’améliorer ? Malheureusement ceux qui avaient déjà des difficultés à lire et écrire en 6ème n’excellent pas en LV1 alors rajouter à tous une LV2, cela semble assez illusoire.
Le risque est plutôt de les voir sombrer encore plus bas.
Apprenons plutôt à accepter qu’il peut y avoir plusieurs sorte de savoirs et que tout le monde ne peut maîtriser 3 langues (le français étant la première à maîtriser).
3°- les nouveaux programmes
Le Conseil Supérieur des Programmes a dévoilé ses propositions pour les nouveaux programmes du collège qui doivent s’appliquer à la rentrée 2016.
Passons sur la formulation totalement déconnectée des attentes des parents quand ceux-ci jettent un œil à ce que l’on va apprendre à leurs enfants.
Juste pour rire un peu … devinez ce que fera votre enfant quand on lui demandera d’« interpréter seul le jeu pour prendre des décisions et rechercher le gain d’un duel médié par une balle ou un volant » … eh bien il jouera au badminton !!
Allez un autre : « Vaincre un adversaire en lui imposant une domination corporelle symbolique et codifiée « il fera de la lutte ou du judo …
Après tout cela n’est pas bien grave et même le sport a besoin d’être conceptualisé et intellectualisé.
Le vrai débat se concentre plutôt sur les nouveaux programmes d’histoire qui sont proposés par le Conseil Supérieur des Programmes.
Ils sont accusés de dérives idéologiques et politiques en donnant une image biaisée et orientée de l’histoire. La volonté affichée est de faire de l’école un lieu d’enseignement de la citoyenneté et non plus uniquement un lieu d’apprentissage enflamme les esprits.
Certains modules deviennent facultatifs quand d’autres sont obligatoires. On insisterait surtout sur le passé peu glorieux de la France en étudiant plus la monarchie absolue, les traites négrières et la colonisation que le Siècle des Lumières et Voltaire.
Sans vouloir rentrer ici dans un terrain miné, l’extrême sensibilité actuelle d’un pays inquiet devrait à mon sens conduire la ministre à une sage décision c’est à dire à ne pas modifier les programmes d’histoire qui je vous le rappelle ne datent que de 2008 sous Xavier Darcos.
Ces programmes assez chronologiques semblent balayer une bonne partie de l’Histoire en intégrant les différentes religions et en essayant de construire une image dépassionnée et éclairée de la France.
Les débats s’intensifient de jour en jour, de nombreuses pétitions circulent afin de retirer ce projet qui doit être validé avant d’être mis en place à la rentrée 2016.
Affaire à suivre …
Béatrice PINAULT pour l’Association Oze
https://educationpositive-oze.fr
www.art-de-vivre-en-famille.fr
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