Dewey, l’école et la démocratie : une pédagogie américaine

Par-delà l’océan (Atlantique), le philosophe – John Dewey (1859 – 1952) – était aussi versé dans la psychologie et la pédagogie. Il a livré sa vision de l’éducation à travers nombre d’articles et d’ouvrages. Brièvement étudié en France au siècle dernier, il a été plutôt occulté au profit d’autres personnalités, issues notamment du mouvement de l’Education Nouvelle. Sa vision de l’éducation mérite pourtant un petit détour. Indissociable d’une réflexion sur la constitution d’une société démocratique, elle propose un modèle basé sur l’expérience de l’enfant, sur la cohérence de son activité à travers le temps et sur sa capacité à créer une continuité sociale à partir de cette expérience.

 

  • L’intérêt de l’enfant pour John Dewey

La position de Dewey, dans le champ de l’éducation, est marquée par une recherche d’équilibre. Ni traditionnaliste ni romantique – c’est-à-dire qu’il ne fait pas partie du mouvement de l’Education Nouvelle – il s’inscrit dans un entre-deux. Cela ne signifie pas qu’il se contente de prendre le meilleur des deux mondes. Loin d’un bricolage théorique, Dewey prend le temps d’observer le comportement des enfants. Il fonde aussi une école-laboratoire au sein de l’université où il enseigne.

Et ce qu’il observe, c’est que les enfants, lorsqu’ils arrivent à l’école, n’y arrivent jamais entièrement « vierges » de connaissances. Bien au contraire, ils ont eu le temps de découvrir un bout de monde, même s’il se résume à la maison et à ses alentours. A la langue qui flotte dans l’air aussi. Bref, à la culture dans laquelle ils ont baignés. Tout cela constitue autant de réalités que l’enfant chéri et dont l’éducateur peut se saisir pour débuter les apprentissages.

Comme beaucoup d’autres, Dewey prétend donc partir de l’intérêt de l’enfant. Mais pas d’y rester indéfiniment ! L’intérêt, c’est l’ensemble des préférences de l’enfant que l’éducateur constate : et à partir de là, on peut étoffer les connaissances à travers l’expérience. Un enfant aime gribouiller ? demande Dewey, il faut dès cet instant lui proposer des travaux qui lui permettront de développer et d’ordonner ses capacités, sans s’occuper de ce qu’il pourrait en faire plus tard, dans bien des années.

 

  • Une pédagogie de l’action ?

Est-ce à dire que dans cette école, chaque enfant n’en fait qu’à sa tête ? Il n’en est pas question, pas plus qu’il n’est question d’un maître uniquement préoccupé de « faire de la discipline ». Seulement la discipline viendra de l’activité elle-même. Plusieurs types d’activités existent dans cette école, et chacune présente la caractéristique de combiner plusieurs types de connaissances. Non seulement les matières sont décloisonnées, mais elles font intervenir et travailler l’intelligence de l’enfant.

En outre, les enfants apprennent à travailler en groupe ; Dewey accorde une attention extrême aux capacités sociales des enfants. C’est pourquoi, au début de sa carrière du moins, il montre un certain optimisme quant à la possibilité de faire de l’école le point de départ d’une véritable démocratie. La coopération et le débat sont aussi importants, sinon plus, que la matière enseignée elle-même. Il est donc stérile de faire de celle-ci le seul but de la scolarité de l’enfant.

Réformer la société par l’éducation, voilà la grande affaire du pédagogue. Ce n’est pas que l’école puisse apporter les éléments de cette réforme à proprement parler. C’est d’abord et surtout qu’elle forme ses élèves aux outils démocratiques. La coopération et le débat en font partie. L’école que souhaite Dewey donne à voir et à faire ; à voir ce qu’est une société, à faire en sorte que l’éducation soit un processus. Ce qu’on apprend avec Dewey, c’est d’abord à créer une cohérence entre son individualité propre et le reste de la société.

 

  • deweyA quoi sert le programme ?

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’enseignement paraît bien mouvant. Si l’éducateur est tenu de partir de l’intérêt de l’enfant, s’il faut en plus ménager l’espace nécessaire à la coopération et à la discussion entre les enfants, si donc il faut prendre en compte les conclusions auxquelles ils parviennent au terme de leur activité, y a-t-il encore une place pour une organisation quelconque ? Où donc est passé le programme ?

Il existe toujours ! Mais il ne concerne que l’éducateur. Seul l’éducateur a la hauteur nécessaire pour distinguer l’horizon auquel il veut faire parvenir l’enfant. Encore ne s’agit-il pas d’une destination bien définie. Pas au sens où on l’entend dans un contexte traditionnel. On ne prépare pas ici l’enfant à une fonction sociale – le métier, même si évidemment, le métier existe. On le prépare d’abord à une attitude sociale, à une méthode d’« enquête » pour utiliser le terme de Dewey.

Le programme demeure donc important si l’on entend par-là les grandes étapes par lesquelles on trouve que l’enfant doit parvenir. Par ailleurs, si l’activité constitue la base de l’enseignement, il ne s’agit pas d’une activité désordonnée. Une enquête a-t-on dit : une méthode d’investigation permettra de passer d’un point A à un point B, sans oublier que l’éducateur a son mot à dire, sa part à jouer en tant que guide, en tant qu’adulte responsable du groupe aussi ; il en sait plus long que les élèves, il est normal qu’il puisse intervenir afin que l’activité débouche sur un résultat réellement constructif.

Pour en savoir plus, en anglais.

 

YR pour l’Association Oze

https://educationpositive-oze.fr