Comment parler de harcèlement sexuel à son enfant ?

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Harcèlement, consentement, identité sexuelle… comment s’y retrouver ?

Tout porte à croire que l’onde de choc provoquée dernièrement par l’affaire Weinstein n’a pas fini de se propager… Cette actualité nous renvoie à l’éducation que nous donnons aujourd’hui à nos enfants, garçons ou filles !

Respect du corps et du désir de l’autre, consentement… autant de notions qu’il paraît désormais essentiel d’évoquer dès le plus jeune âge.

Mais comment aborder le sujet avec nos « petits », quels mots employer ? Comment éviter de véhiculer, parfois malgré nous, des clichés sexistes ?

1/ LE MAITRE MOT : PARLER !

Il s’agit tout d’abord d’en parler sans complexe, pour nommer et dédramatiser et ce, dès le jardin d’enfants !

Une anecdote, issue de la « vraie vie », ou pas, permettra à l’enfant de s’identifier le cas échéant. Mettre des mots sur un état de fait lui donnera les clés pour s’en protéger et l’incitera plus simplement à se confier, lorsqu’il se sentira personnellement concerné.

Au cas où l’inspiration vous manquerait, les supports sont nombreux !

Habitué à être porté, changé, bref « manipulé » par parents, nounous, médecins, etc…, trop d’enfants croient qu’un adulte a tous les droits sur eux.

Au travers de son ouvrage « Te laisse pas faire », Jocelyne Robert nous convie à entreprendre une vraie démarche de prévention auprès de nos chérubins et à asseoir le pouvoir qui leur revient sur leur corps et sur leur vie. Car il faut bien leur apprendre que le grand méchant loup n’existe malheureusement pas seulement dans les contes !

Ce livre a pour but de faire du parent et de son enfant une équipe vigilante et plus rusée que le prédateur potentiel. Il propose des jeux, présente des indices pour évaluer les risques, suggère des attitudes éducatives concrètes. Plus qu’un livre : c’est un petit baluchon à remplir de clés et d’instruments de prudence !

« Zizi Zézette : Mode d’Emploi » de Michaël Escoffier démontre que les sujets délicats peuvent également être traités avec humour et finesse.

Et c’est avec toujours autant de pédagogie que Catherine Dolto s’emploie à apprendre aux enfants à différencier les tendres câlins de Maman qui font du bien de ceux dont on n’a juste pas envie, dans « Respecte mon corps » : indispensable !

2/ LA NOTION DE CONSENTEMENT :

Votre petit trésor a intégré que son corps lui appartient : personne ne doit lui faire du mal ou le contraindre à ce dont il n’aurait pas envie, et ce, quel que soit son sexe et tout au long de sa vie !

Et si nous parlions « réciproque » ? Comment lui expliquer la notion de consentement ?
Les spécialistes recommandent de segmenter l’apprentissage par tranche d’âge.

Le meilleur moyen de sensibiliser les tout-petits (en pleine exploration de leur corps) au consentement consiste à leur préciser tout simplement qu’ils ne peuvent pas non plus toucher n’importe qui, n’importe où.

A l’école élémentaire, on peut échanger sur la différence entre un baiser partagé et un baiser volé et expliquer pourquoi le second ne doit pas être pratiqué.

Le fait de ne pas contraindre son enfant à embrasser qui que ce soit (y compris ses propres parents) est d’ailleurs un bon moyen de l’initier au consentement.

Lui imposer des gestes d’affection pourrait effectivement lui laisser penser qu’il est normal d’avoir des interactions physiques avec des adultes par exemple, bien qu’il n’en ait pas envie. L’enfant doit s’entendre dire qu’il est en droit de ne pas y consentir.

Et pour les plus grands ?

Votre petit a grandi et entre au Collège… puis au Lycée. A l’aube de ses premiers rapports sexuels, il est primordial d’en parler librement avec lui, dès que l’occasion se présente et pas seulement sur sollicitation de sa part (vous pourriez attendre longtemps) et de s’assurer qu’il ait bien saisi ce en quoi consiste le consentement. Votre ado saura alors quelle attitude adopter, consentir ou s’abstenir, en fonction de ses propres désirs d’une part et ceux de l’autre d’autre part.

Si l’art remplit de multiples fonctions comme celles de nous divertir, nous émouvoir… il arrive également qu’il suive un dessein purement pédagogique. C’est là toute la démarche d’Elise Gravel, dessinatrice québécoise, qui a récemment publié une planche de bande-dessinée sur sa page Facebook, afin d’expliquer la notion de consentement aux enfants.

L’artiste met en scène deux petits personnages : « Tu veux un câlin ? », demande le premier. « Non, je préfère te serrer la main, d’accord ? », lui répond le second.

En légende, un texte explique comment se comporter dans ce genre de situation. « Tu as envie de faire un câlin ou un bisou à quelqu’un ? Demande-lui la permission avant. » « Ton corps t’appartient, et le corps des autres leur appartient. Tu ne peux pas toucher les autres sans leur permission, et les autres ne peuvent pas te toucher sans la tienne. » Simple, clair et explicite !

La Vidéo de Blue Seat Studio sur YouTube vaut également le détour ! La notion de consentement y est expliquée avec une tasse de thé…

3/ CONSTRUCTION IDENTITAIRE :

Quels que soient son pays et sa culture d’origine, son éducation, son caractère… chaque enfant a tendance à exagérer ce qui fait de lui un petit garçon (je porte une épée et je joue au chevalier), ou une petite fille (je porte une couronne et je suis une princesse).

Et nous favorisons inconsciemment ce mode de construction identitaire en répondant à notre fils malmené à la récréation : « tu dois te défendre ! » et à notre fille : « tu dois le dire à la maîtresse ».

C’est ainsi que, très tôt, de nombreux petits garçons intègrent : « je dois me battre », quand les petites filles comprennent « je suis incapable de me défendre ».

Insidieusement, face à l’adversité, nous apprenons l’action à nos garçons, la passivité à nos filles et les condamnons à honorer cette polarité dans la durée.

Seuls le respect de l’enfant et de sa personnalité, ainsi que la sensibilisation et l’échange bienveillant auront raison de ce qui a longtemps été perçu comme une fatalité et contribueront alors à un profond remaniement, essentiel, de notre société !

4/ ENFANTS SOUS INFLUENCE :

De nombreuses études ont été réalisées en observant les enfants dans un magasin de jouets. Outre les codes couleurs très marqués des rayons (je ne vous apprendrai rien en précisant que la dominante est bleue pour les garçons et rose pour les filles), force est de constater que nous orientons souvent nous-mêmes nos chérubins vers les jouets qui leur sont initialement destinés : aux garçons, les voitures et pistolets, aux filles, la dînette et les poupées !

Il y a également tant à dire (et redire) de la littérature jeunesse… Et quel meilleur moment que la lecture su soir – instant de partage privilégié avec son enfant et propice à la discussion – pour démonter l’image de Blanche-Neige qui passe ses journées à épousseter, tandis que les 7 nains travaillent, ou encore celle de la Belle au Bois Dormant dont la vie dépend du baiser de son Prince Charmant… qu’elle attendra durant 100 ans…

5/ Prévenir le harcèlement, un sujet collectif de prévention

Cela dit, le 21ème siècle voit la masculinisation de la gente féminine se normaliser (nos filles sont invitées à poursuivre leurs études, pour assurer leur future indépendance financière…). Mais quand assistera-t-on à la féminisation de la gente masculine ? Quand cessera-t-on de reprocher aux petits garçons « tu pleures comme une fille ! » Et quand les encouragera-t-on à exprimer leurs émotions, quand pourront-ils jouer publiquement à la poupée sans se sentir jugés… Quand pourrons-nous parler d’un réel partage des tâches domestiques à la maison ?

Car l’égalité entre les sexes se joue aussi au sein de la cellule familiale. Le rôle des parents est encore primordial, car un enfant construit son identité par identification. Ainsi, un petit garçon, dont le père cuisine par exemple, considèrera comme tout à fait normal qu’un homme soit en charge des fourneaux et sera naturellement plus enclin à perpétuer ce schéma à l’âge adulte.

Il va de soi que ce rôle éducateur préventif revient également à l’école, qui, au nom de la République, a pour mission d’inculquer les valeurs de liberté, d’égalité (entre les sexes, entre autres) et de fraternité.

Et au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires (financières, juridiques, médiatiques…) pour prévenir et éduquer en amont, écouter activement et défendre comme il se doit les harcelés, punir en conséquence et mettre hors d’état de nuire les harceleurs.

Il en va de notre responsabilité à tous de protéger et guider nos jeunes vers le chemin de l’égalité et du respect, pour enfin faire évoluer les mentalités !

Et si nous pouvions leur donner l’espoir d’un monde meilleur, où ils pourront grandir et s’épanouir en toute sécurité et sérénité ? Cela mérite de s’y employer, non ???

 

Magalie ROCHER pour l’association OZE