Sur le droit de l’enfant à connaitre ses origines

Dans leur dimension biologique, les origines renvoient au principe corporel de la filiation. Dans ce cas, le parent d’origine d’un enfant est son géniteur.

Le 18 janvier 2018, les états généraux de la bioéthique débutent. Cédant le pas aux débats de société, le droit à connaitre ses origines parait au programme. Qu’en est-il de ce « droit » en France ?

 

Droit français et secret des origines biologiques

L’expression « accouchement sous X » est inscrite dans le code civil depuis le 8 janvier 1993 par la loi 93-22. Il est alors considéré que « la mère peut demander que le secret de son admission et de son identité soit préservé ». Cette loi implique également que l’accouchement anonyme devient une fin de non-recevoir à l’action en recherche de maternité : une personne ne peut saisir la justice pour connaitre l’identité de sa génitrice. Face à ces dispositions des critiques émanent et mènent à quelques avancées, dont la loi du 22 janvier 2002. Elle instaure la possibilité pour la femme de laisser un pli fermé, contenant son identité au conseil national (voir ci-dessous).

Dans le cas de l’adoption plénière, à la différence de l’adoption simple, le lien de filiation de l’enfant avec ses parents d’origine est rompu. La mention des parents d’origine est supprimée de l’État Civil et le premier acte de naissance est considéré comme nul.

Quant à la PMA, elle est juridiquement encadrée par les lois dites de bioéthiques du 29 juillet 1994. Dans le cas de PMA avec un donneur extérieur au couple, ces lois posent le principe de l’anonymat absolu des donneurs. Elles interdisent également qu’un lien de filiation puisse être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de la procréation. L’identité du donneur peut néanmoins être divulguée « en cas de nécessité thérapeutique » à un médecin.

Au travers de ces trois cas, le droit français favorise le secret des origines et la substitution des liens de filiations.

 

origines

 

Comment accéder à ses origines en France ?

La loi du 22 janvier 2002 met en place le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP). Ce conseil est chargé de la procédure de levée du secret.

Pour accéder à ses origines en France, les enfants nés sous X peuvent faire une demande au CNAOP. Ce dernier est gardien des plis cachetés remis par la mère lors de son accouchement. Si la mère ou les parents biologiques n’ont pas transmis leurs identités lors de l’accouchement, le CNAOP vérifie qu’ils soient d’accord pour que l’enfant en prenne connaissance. La levée du secret n’apporte toutefois aucun changement à la filiation.

 

L’accès aux origines en débat

Dans le débat sur l’accès aux origines, on peut distinguer, entres autres, deux parties.

D’un côté, les tenants d’un véritable droit de l’enfant à connaitre ses origines. Ils s’appuient notamment sur l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme [1] et l’article 7 de la convention internationale des droits de l’enfant [2]. De l’autre, les défenseurs de la liberté de la femme ou des géniteurs ainsi que de leurs vies privées.

 

L’importance d’un droit aux origines

Connaitre ses origines ne signifie pas établir un « vrai » parent, ni fournir une définition « vraie » de l’individu. Il s’agit plutôt de faciliter le travail d’émancipation de l’enfant, de l’adolescent ou de l’adulte en devenir.

François de Singly présente ce travail d’émancipation dans son ouvrage Sociologie de la famille contemporaine. « C’est pour rendre possible le droit d’inventaire, pour que l’héritier puisse décider de ce qui mérite d’être conservé ». Les origines peuvent être importantes pour asseoir une identité narrative et établir un sentiment de continuité. Parmi d’autres, c’est une manière de devenir « soi-même ». Et de s’intégrer, à partir de son histoire propre, dans notre condition humaine commune.

 

Qu’en est-il chez nos voisins ?

L’Allemagne, la Suisse, la Belgique, le Royaume-Uni et l’Espagne autorisent la transmission des informations de leur filiation d’origine aux enfants adoptés. Les constitutions de l’Allemagne et de la Suisse garantissent le droit à connaitre ses origines génétiques.

Au sujet de la PMA, les lois anglaise, espagnole et suisse tentent de concilier le respect de l’anonymat du donneur avec le droit pour chacun à la connaissance de ses origines génétiques. Il est permis d’obtenir des renseignements sur les donneurs (taille, poids, profession…) à l’âge de la majorité.

Dans une entrevue donnée en 2015, la sociologue Irène Théry considère que « l’enjeu [en France] est donc désormais d’instituer un droit qui cesse d’être mensonger ». Se pourrait-il que le droit français s’inspire de ces modèles pour faire progresser le droit de l’enfant aux origines ?

 

Victor Sokolovitch pour l’Association Oze

 

[1]  « le droit de toute personne au respect de sa vie privée et familiale »

[2]  « le droit de connaitre ses parents »