L’inceste : de quoi parle-t-on ?

Sujet souvent « tabou » la dénonciation de l’inceste s’invite dans notre société hyper libérée et ultra connectée.

L’émergence des affaires – non plus nombreuses mais aujourd’hui médiatisées , nous rappelle s’il était possible que des enfants victimes d’inceste doivent toujours prouver dès le plus jeune âge leur absence de consentement à un acte sexuel avec un membre de leur famille.

L’inceste dans l’histoire.

Le code « Napoléon » de 1810 ne punissait que les viols commis avec violences physiques. 

Dès 1832, l’atteinte « d’attentat à la pudeur commis sans violence ni contrainte » sur mineur de moins de 11 ans est introduit dans le Code Pénal afin de protéger les enfants.

La protection des mineurs est renforcée par la loi de 1863. La limite de l’attentat à la pudeur est portée à 21 ans pour l’inceste et 13 ans dans les autres cas. 

Ceci en se basant uniquement sur l’âge de la victime et sur le lien de famille. Le législateur reconnaissait le fait qu’aucun mineur ne saurait consentir à l’inceste, et aucun enfant de moins de 13 ans à des relations avec un adulte.

La limite de ce qu’on pourrait appeler « majorité sexuelle », initialement fixée à 11 ans a ensuite été portée à 13 puis à 15 ans.

  • Loi de 1832 : 11 ans.
  • Loi de 1863 : 13 ans.
  • Ordonnance de 1945 : 15 ans.
  • Juillet 1974 La majorité passe de 21 à 18 ans.
  • Juin 1978 L’attentat à la pudeur est déclassé de crime en délit.
  • Décembre 1980 : Les peines maximales pour viol et attentat à la pudeur sont divisées par deux.
  • Les peines pour une victime entre 15 et 18 ans sont allégées.
  • Les relations entre mineurs sont dépénalisées (quel que soit l’écart d’âge).
  • 1994 L’atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans (nouveau nom de l’attentat à la pudeur) est punie au maximum par 2 ans de prison.

Depuis, plusieurs lois ont augmenté les peines maximales pour les violences sexuelles ou modifié les définitions à la marge. Cependant sans changer substantiellement l’esprit du Code Pénal de 1994. 

L’inceste : mais de quoi parle t-on ?

Article 222-31-1 (Modifié par LOI n°2018-703 du 3 août 2018 – art. 2) :

« Les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés « d’incestueux », lorsqu’ils sont commis par :

  • 1° Un ascendant
  • 2° Un frère, une sœur, un oncle, une tante, un neveu ou une nièce
  • Le conjoint, le concubin d’une des personnes mentionnées aux 1° et 2° ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l’une des personnes mentionnées aux mêmes 1° et 2° s’il a sur la victime une autorité de droit ou de fait. »

L’agression sexuelle (atteinte sexuelle).

L’ARTICLE 222-22 du Code Pénal définit une agression sexuelle comme toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise.

Selon un sénateur, la notion d’atteinte sexuelle sur mineur vise à « protéger les adolescents de 13-14 ans contre eux-mêmes ». Cela soulève un débat au Sénat sur un projet de loi de janvier 2017. Les actes sexuels commis par un mineur (par exemple 17 ans) sur un autre mineur de moins de 15 ans ne sont plus considérées comme un délit. Porte ouverte aux viols incestueux par les frères aînés et par les cousins.

Le consentement (Notion).

L’enfant est dit « consentant » s’il peut être prouvé qu’il n’a pas dit « non » assez nettement. Et que par conséquent le quadruple critère de « violence, contrainte, menace ou surprise » ne peut s’appliquer.

Les agresseurs cherchent des preuves du « consentement » de l’enfant victime. Ceci leur permet d’échapper aux infractions de viol ou d’agression sexuelle au profit de l’atteinte sexuelle sur mineur, beaucoup moins durement réprimée.

Le viol.

La définition du viol de 1980 reste inchangée. Elle repose sur la pénétration du corps de la victime.

L’ ARTICLE 222-23 du Code Pénal énonce : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. »

Cette définition est critiquée par les associations de victimes et par des professionnels de l’enfance sur le fait qu’il y aurait confusion entre sexualité et pénétration. La gravité du traumatisme pour l’enfant victime n’est pas forcément liée à la pénétration elle-même.

Le Code Pénal (1er Mars 1994).

Le nouveau Code pénal qui entre en vigueur le 1er mars 1994 classifie les actes sexuels sur mineurs en quatre infractions.

Peine maximale Critères requis

Viol

Crime 15 à 20 ans • Pénétration

• Violence, contrainte, menace ou surprise

Agression sexuelle

Délit

5 à 10 ans

• Violence, contrainte, menace ou surprise

Atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans (la nouvelle qualification pénale d’atteinte sexuelle sur mineur, consacre l’idée d’un possible consentement de l’enfant à tout âge).

Délit

2 à 5 ans

• Moins de 15 ans

Atteinte sexuelle sur mineur de plus de 15 ans

Délit

2 ans

• Entre 15 et 18 ans

• Inceste ou abus d’autorité

La question de la dépénalisation.

De nos jours (quelques exemples)
Dans tous ces cas, l’agresseur reconnaît les faits tout en plaidant une « relation consentie » avec la victime.

Cas n°1 : un père viole sa fille de 12 ans

Infraction Peine maximale
Loi de 1863 Attentat à la pudeur commis sans violence (331) 20 ans de travaux forcés
Loi de 1980 Attentat à la pudeur commis sans violence (331) 10 ans d’emprisonnement
Loi de 1994

  Modifié par Loi n°2018-703 du 03 Août 2018 

Atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans (227-26) 5 ans d’emprisonnement

Cas n°2 : un ami de la famille (41 ans) viole une fille de 13 ans

Infraction Peine maximale
Loi de 1863 Attentat à la pudeur commis sans violence (331) 20 ans de réclusion
Loi de 1980 Attentat à la pudeur commis sans violence (331) 3 ans d’emprisonnement
Loi de 1994

  Modifié par Loi n°2018-703 du 03 Août 2018

Atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans (227-25) 2 ans d’emprisonnement

Cas n°3 : un beau-père viole sa belle-fille de 16 ans.

Infraction Peine maximale
Loi de 1863 Attentat à la pudeur commis sans violence (331) 20 ans de travaux forcés
Loi de 1980 Attentat à la pudeur commis sans violence par

ascendant légitime (331-1)

3 ans d’emprisonnement
Loi de 1994 

   Modifié par Loi n°2018-703 du 03 Août 2018

Atteinte sexuelle sur mineur par ascendant

légitime (227-27)

2 ans d’emprisonnement

Cas n°4 : un garçon de 17 ans impose des fellations à sa cousine de 14 ans.

Infraction Peine maximale
Loi de 1863 Attentat à la pudeur commis sans violence (331) 20 ans de réclusion
Loi de 1980 Attentat à la pudeur commis sans violence (331) 5 ans d’emprisonnement
Loi de 1994

   Modifié par Loi n°2018-703 du 03 Août 2018

Aucune ! Aucune !

Conclusion.

Comment se fait-il que ce qui paraissait aussi évident au législateur en 1863 pose problème en 2018 ? Alors même que les interdictions destinées à protéger les mineurs y compris contre leur propre volonté (tabac, alcool et drogues, jeux de hasard, etc) se sont multipliées ? Si on estime qu’un mineur de 14 ans n’a pas la maturité nécessaire pour signer un chèque ou acheter un ticket de loto dans un bar, pourquoi penser qu’il ou elle serait assez responsable pour apprécier pleinement les risques liés à la sexualité (grossesses non désirées, MST, SIDA, violence et emprise, chantage, exploitation, proxénétisme, etc) ?

Au niveau psychologique, les notions d’emprise et de sidération traumatique ont confirmé que ce n’est pas parce qu’un enfant ne dit pas explicitement « non » qu’il est pour autant volontaire pour un viol incestueux. 

On peut aussi déclarer le seuil de consentement légal à 15 ans comme « arbitraire » et argumenter que la maturité d’un enfant ne change pas du tout au tout le lendemain de son 15e anniversaire. C’est l’argument avancé encore très récemment par un groupe du travail du Sénat (7 février 2018) pour refuser de rétablir un âge minimum de consentement légal à un acte sexuel…

incesteLes personnes violées ou battues dans leur enfance sont des survivants qui souffrent de pathologies chroniques multiples (dépression, alcoolisme, cancer, etc). Ces survivants traumatisés ont beaucoup plus de chances que les autres de commettre une tentative de suicide (50% des survivants de l’inceste), d’adopter des comportements à risque, de tomber dans la drogue, la prostitution, etc …

Ce n’est pas à l’enfant de dire non, c’est à sa famille de le protéger jusqu’à 18 ans au moins. 

La loi devrait reconnaître cette évidence !

Afin de mieux protéger les enfants en particulier, il faudrait que le législateur réfléchisse à une qualification unique qui englobe tous les actes sexuels commis sur eux.

(Source : AIVI – 02/2018 – Association Internationale des Victimes d’Inceste)
(Source : INPES)
(Source : Code pénal)

                                                                                   Princesse GRANVORKA  pour l’Association OZE.