Apprendre en s’émerveillant

Apprendre en s’émerveillant

Dans nos sociétés de performance dans lesquelles les enfants sont sur-stimulés tous azimuts de façon artificielle, la notion d’émerveillement naturel de l’enfant que les Grecs anciens définissaient comme le désir d’apprendre disparaît peu à peu. 

Selon ce principe, l’enfant apprend naturellement, à son rythme, en découvrant au travers de l’expérience sensorielle le monde qui l’entoure. Étonné, curieux, il va s’auto-stimuler pour le comprendre. En un mot, il s’émerveille.

Déjà Rousseau, dans L’Emile expliquait qu’il appartenait à l’enfant de désirer, de chercher et de trouver le savoir. L’adulte ne devant que rarement lui imposer ce qu’il doit apprendre. Concept révolutionnaire en son temps! Plus d’un siècle plus tard, Maria Montessori redisait que l’enfant, de par son esprit absorbant, a la capacité naturelle de s’imprégner et d’intérioriser toutes les expériences que lui offrent son milieu sans l’intervention de l’adulte. Lui n’est là que pour lui mettre à disposition un environnement préparé. Une thèse tout autant à la marge de notre système actuel.

La sur-stimulation : un écueil contre-productif

En effet, nous avons tendance plutôt à considérer l’enfant comme un «vase à remplir» plutôt que comme «une source à laisser jaillir » pour reprendre une métaphore chère à la pédagogue. Et même dans les situations extrascolaires, il y a surenchère de stimulations. Qui même, lorsqu’on les nomme activités d’expression souvent, sont très cadrées, et offrent peu d’espace à la créativité et l’imagination. Sans même parler des jeux, via tous types d’écran. Sous l’étiquette-caution « interactifs » ou à « visée pédagogique » ils saturent l’enfant d’images, d’expériences qu’ils ne pourraient, à l’évidence, expérimenter dans la vraie vie. Une étude récente pointait que dans une série enfantine, on avait recensé 50 changements de situation par minute ! Un chiffre très éloigné du quotidien d’un enfant. Comment s’étonner alors que celui-ci, du coup, lui semble fade et ennuyeux et que l’émerveillement n’y ait plus sa place ? De là, il n’y a qu’un pas pour engendrer des enfants indifférents, apathiques, voire blasés. Et ce car ils deviennent dépendants des stimuli artificiels. Ce sont des enfants à qui l’on fait de multiples propositions d’expériences avant même qu’il ne les aient désirées. Ils perdent donc le désir d’apprendre.

Cultiver l’émerveillement

Catherine Lécuyer, docteure en sciences de l’éducation et psychologie, dans son livre «  Cultiver l’émerveillement » met en garde contre la «sur-stimulation qui sature les sens, donne une sensation de satiété qui empêche de savourer la beauté et la lenteur du quotidien ». Elle propose des pistes pour redonner sa place au merveilleux dans la vie des enfants.

Par la nature

La reconnexion avec la nature en est une fenêtre majeure. Observer une feuille ballottée par le vent, l’effet d’une goutte d’eau sur une colonie de fourmis, une graine plantée qui devient fleur, un oiseau qui s’envole sont autant d’éléments d’émerveillement qui interrogent l’enfant et le poussent à chercher une explication, à percer le mystère. Un peu désuet ? Peut-être, mais à bien y réfléchir, pas tant que ça, car les enfants ont de moins en moins l’occasion d’observer leur environnement naturel. Et pour cause, ils ne vont plus à l’école à pied, ils ne jouent (presque plus) à l’extérieur…

Par le jeu

Le jeu, justement est une autre piste. L’enfant apprend en jouant, en jouant librement bien entendu, sans règles ou orientation donnée par l’adulte. Quand il manipule des objets, fait des constructions, ou encore s’invente des histoires dont il est le personnage principal, il va expérimenter par les sensations et les émotions des situations dont il va s’imprégner et retirer un savoir. Il va en fait, s’émerveiller de lui-même et prendre conscience de son pouvoir de ré-enchanter le monde à son gré.

Par les moments sans activité

Enfin, et elle n’est pas des moindres, la piste du « temps mort » (qu’on appelle généralement ennui) à offrir à l’enfant est fondamentale. Des moments sans activité (et sans écrans !), plus lents, plus silencieux qui vont lui permettre d’enregistrer, de mettre en relations des expériences vécues, et donc d’apprendre d’elles. Des temps, bien vivants en réalité pour son développement.

Alors, peut-être que si nous portons un peu d’attention à tout cela, en tant qu’éducateurs, parents ou pédagogues, sans révolutionner le système dominant de l’éducation, nous pourrions encore laisser une place à ce regard, cette innocence, cet étonnement . Et faire entrer quelques moments d’émerveillement dans la vie de nos enfants.

Et comme les sources les sources d’apprentissage sont multiples, je vous invite à lire aussi : https://educationpositive-oze.fr/2019/11/29/jeu-libre-cours-imagination-enfants/

Emmanuelle Requena pour l’association OZE